ManifesteAgirRéseauPublicitésDocumentsPrix

Sommaire de "Agir" Sommaire de l'action 1

Action n° 1
Croix Rouge Française

Page 2 sur 8

Voici la lettre que j'ai envoyée le 17 novembre 2000 à M. Gentilini, président de la Croix-Rouge Française. Je lui demandais de prendre l'engagement de ne plus avoir recours, à l'avenir, à des éléments sexistes dans la communication de la Croix-Rouge Française.
Je n'ai pas reçu de réponse.

Monsieur,
J'ai bien reçu votre réponse du 9 novembre à la lettre dans laquelle je m'étonnais du choix par la Croix-Rouge Française d'une publicité télévisée utilisant des éléments sexistes. J'en ai fait part aux signataires du Manifeste " Non à la pub sexiste ! " dont je vous avais adressé le texte.

Vous avez voulu que soit réalisé, écrivez-vous, " un spot accrocheur ". La fin ne justifie pas les moyens. Faire connaître une cause, si noble et si utile soit-elle, n'implique pas de chercher à attirer l'attention à tout prix.
Vous visiez " les jeunes en particulier. C'est à eux que ce message s'adressait ". Quelle que soit la " cible " visée, c'est l'ensemble du public qui reçoit le message. Nous sommes nombreux, femmes et hommes, jeunes et vieux, à exprimer notre désappointement en réaction au choix de la Croix-Rouge française.
Selon vous, ce message associe " beauté, séduction, humour et intelligence ". Ces qualificatifs n'engagent que leur auteur. Pour nous, féministes, cette publicité, qui présente une femme blessée ou malade comme un objet de désir sexuel, associe plutôt : chosification et morcellement d'un corps de femme, humour sexiste, utilisation de la sexualité et mépris pour le public. En outre, le jeu sur le mot mannequin amène à présenter, d'une part une belle femme dont la caméra caresse le corps, d'autre part un objet représentant, sans ambiguïté de cet ordre, un homme.
Pour vous, " il s'agit d'un message esthétique et non sexuel. " L'argument de la beauté et de l'esthétique est un prétexte souvent avancé par les publicitaires. Dans cette publicité, l'insistance sur des mots à double sens comme "massage cardiaque" et "bouche-à-bouche" montre bien qu'il s'agit aussi d'un message sexuel. La complaisance avec laquelle est filmé ce corps de femme déshabillée vise à "accrocher" le public, et à transformer les spectateurs en voyeurs. Quelle sorte de secouristes la Croix-Rouge pense-t-elle attirer ainsi ?

Selon le témoignage de nombreux signataires étrangers, une publicité de ce type n'est pas envisageable au Canada ou dans les pays nordiques, car de fortes réactions de protestation contre le sexisme dans la publicité y ont amené depuis longtemps les publicitaires et les annonceurs à évoluer sur ce point.
En France, deux protestations collectives se sont révélées efficaces en 2000. En février, je me suis adressée, en tant que fondatrice des Chiennes de garde, au groupe Bouygues, au sujet d'une publicité pour le téléphone portable Nomad montrant une poupée gonflable, bouche ouverte, avec pour slogan "Votre fiancée va en rester bouche bée". Les responsables ont reconnu publiquement leur " erreur ".
En avril, la publicité pour la crème Babette ("je la lie, je la fouette et parfois elle passe à la casserole") a suscité de très vives réactions de mouvements féministes, notamment des responsables de la Marche mondiale contre les violences contre les femmes, et un débat public s'est instauré.
Comme le montre l'afflux de signatures au Manifeste "Non à la pub sexiste ! ", que j'ai lancé le 28 septembre dernier, le mouvement de rejet de la publicité sexiste s'amplifie en France.

J'ai déjà reçu de nombreuses réactions de signataires, dont beaucoup me disent avoir aussi fait part de leur désapprobation au service de communication de la Croix-Rouge française. Avec ces personnes, je vous demande de faire cesser, aussitôt que possible, la diffusion de cette publicité et de prendre l'engagement de ne plus avoir à l'avenir recours à des éléments sexistes dans votre communication.
Tout comme vous, nous souhaitons que la Croix-Rouge française poursuive son oeuvre et développe ses actions de protection, mais pas au prix de ce que nous considérons comme des manquements au respect de la dignité humaine.
Veuillez croire, Monsieur, à l'expression de ma considération.

Florence Montreynaud