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Action n° 7
Galeries Lafayette

Page 4 sur 4 : Lettre du directeur général

Lettre datée du 14 juin 2002 et signée par J. Mornet, directeur général des Galeries Lafayette, adressée à la « présidente » de La Meute.

Madame,
Vous avez organisé une nouvelle manifestation, le samedi 25 mai dernier, devant notre magasin du Boulevard Haussmann sur le thème « fête des Mères, oui au collier de nouilles ; non aux dépenses somptuaires aux GL ».
La vocation affichée de votre association est la défense des droits de la femme, ce qui nous paraît respectable et légitime.
Nous constatons que toutes les manifestations que vous organisez à Paris, dans le cadre de l’objet que vous poursuivez, visent systématiquement nos magasins du Boulevard Haussmann et eux seuls.
Nous regrettons vivement le caractère discriminatoire à notre égard que vous donnez ainsi à vos actions, ce qui pourrait apparaître comme une volonté délibérée de nuire à notre groupe.
Nous espérons que, compte tenu de ces éléments, vous cesserez à l’avenir d’organiser vos manifestations dans et/ou aux alentours de nos magasins du Boulevard Haussmann.
En vous remerciant par avance, nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos meilleures salutations.

Ce monsieur semble si contrarié de nos actions qu’il faut nous rendre à l’évidence : les moustiques féministes ont fini par piquer l’éléphant Galeries Lafayette. Je vous propose de lui répondre, avec vos arguments et vos mots, pour lui rappeler notamment que nos manifestations sont provoquées par ses publicités sexistes. Vous pouvez vous inspirer de la réponse que je lui fais, ci-dessous.
J. Mornet, directeur général des Galeries Lafayette 40 boulevard Haussmann 75009 PARIS. Responsable de communication Alexandra Rocca-Simon : aroccasimon@galerieslafayette.com
Quant à la nouvelle affiche des soldes, où la femme est déguisée en CRS, j’ai vu dans le métro qu’elle avait déclenché des graffiti féministes, tel « Le CRS est-il l’avenir de la femme ? »

Voici ma réponse :
Monsieur,
Votre information est incomplète.
- Vous écrivez que le thème de notre manifestation du 25 mai dernier était : « fête des Mères, oui au collier de nouilles ; non aux dépenses somptuaires aux GL » ; en réalité, c’était « Pour une fête des Mères gratuite, oui aux colliers de nouilles, non aux friteuses ».
- Vous écrivez « la vocation affichée de votre association est la défense des droits de la femme » ; La Meute est un réseau féministe international engagé contre la publicité sexiste.
- Vous écrivez : « toutes les manifestations que vous organisez à Paris, dans le cadre de l’objet que vous poursuivez, visent systématiquement nos magasins du Boulevard Haussmann et eux seuls. » Nous avons manifesté aussi devant d’autres magasins, par exemple devant le magasin C&A de la rue de Rivoli le 8 juin 2002 ; devant un dépositaire de vêtements de cuir Oakwood le 3 novembre 2001 ; en outre, en juin et juillet 2001, nous avions manifesté quatre fois devant des magasins de chaussures Weston.
Les manifestations devant les magasins Weston ont été couronnées de succès, puisque la campagne suivante de cet annonceur était en net progrès, d’un point de vue féministe, c’est-à-dire de dignité humaine.
La Meute n’est forte que des bonnes volontés de ses membres. Paroles, tracts, lettres et manifestations de rue sont nos seuls moyens pour faire entendre notre exigence de respect.
C’est après avoir reçu une lettre de La Meute que M. Oosterveer, PDG d’Unilever-France, a répondu en mai 2001 qu’il arrêtait aussitôt une campagne de publicité jugée sexiste par notre réseau.

Quant aux Galeries Lafayette :
En avril 1999, votre groupe avait, après une manifestation que j’avais co-organisée, cessé l’exhibition de femmes en sous-vêtements dans vos vitrines.
En mars 2002, vous n’avez pas laissé longtemps une affiche représentant une femme au corps figurant un pied de lampadaire et à la tête cachée par un abat-jour, publicité contre laquelle La Meute avait manifesté le 2 mars.
Dans votre campagne pour les soldes de juillet 2002, vous avez repris une image déjà utilisée représentant une femme aux vêtements en désordre ; mais, au lieu de l’œil au beurre noir, qui en faisait une victime de violence, campagne qui avait suscité en février une manifestation à l’appel d’une dizaine d’organisations féministes, vous avez choisi de montrer cette femme avec un casque et un bouclier de CRS, une main levée et protégée par un énorme gant de boxe. Vous persistez à associer les soldes avec la violence, mais vous ne montrez plus la femme comme une victime, c’est déjà un progrès !
Nous vous proposons de poursuivre dans cette voie et de concourir pour le prix Femino 2003 de La Meute destiné à la publicité la moins sexiste de l’année 2002. En revanche, si vous diffusez encore des publicités sexistes, nous pourrons décider de manifester de nouveau devant les Galeries Lafayette.
Croyez, Monsieur, à mes sentiments les meilleurs.
Florence Montreynaud, 11 juillet 2002

Réactions de membres de La Meute

Jean-Charles CABANEL, Lille, le 11 juillet 2002
Monsieur,
En réponse à la lettre que vous lui avez adressée, La Meute vous a envoyé la réponse dont le texte est repris ci-dessous.
Je tiens à vous indiquer que, en tant qu'humaniste et militant des Droits fondamentaux et libertés individuelles des humains, autrement dit des femmes comme des hommes, je suis entièrement solidaire des termes de ce courrier, ainsi que des actions que mène La Meute.
J'ajoute que, s'il ne m'est pas toujours possible de participer à des actions comme celle que vous demandez de ne pas tenir (mais d'ailleurs... de quel droit car, que je sache, l'interdiction d'une manifestation sur le domaine public n'est pas de votre ressort mais de celui du Préfet de Police de Paris, quand, faut-il le rappeler, le droit de manifester n'est jamais que le droit d'exercer sa liberté de conscience et d'expression qui est garanti tant par la Constitution que par la déclaration Universelle des droits de l'Homme et les textes subséquents au niveau tant européen que national ?), j'ai toujours à coeur de retirer ma clientèle aux enseignes qui, à des fins mercantiles, usent d'une publicité sexiste, ne respectent pas les droits et libertés des travailleurs, exploitent une main d'oeuvre clandestine ou infantile, ont recours à une main d'oeuvre forcée, polluent l'environnement... et de militer en ce sens dans mon entourage.
Recevez, Monsieur, mes salutations distinguées.

Eliane Crouzet, Nîmes, le 13 Juillet 2002
Monsieur,
Vous êtes contrarié(e)s par l’action des signataires de La Meute, car vous n’admettez aucun frein à ce qui vous semble commercialement juteux.
Mais vous oubliez que “qui veut trop prouver ne prouve rien”.
Cependant, vous participez avec les autres marques et leurs publicitaires à la botte,
d’une campagne dont les conséquences sociales vous sont étrangères , (inconnues ?) et pour le moins indifférentes :
une dévalorisation de la dignité et de la personne humaine, car même les hommes
deviennent des objets et des présentoirs à produits. Certains parcequ’ils sont beaux,
d’autres parce qu’ils acceptent de poser dans des images qui les ridiculisent ( le pouvoir de l’argent ! ), et que les “publicitaires” utilisent pour renforcer le racisme.
Jusques à quand allez-vous bafouer les valeurs sans lesquelles les relations humaines sereines et chaleureuses (voire amoureuses ) sont impossibles ? Respect, dignité, solidarité, envers tous les humains dont les différences constituent la richesse de notre monde.
Je soutiens donc l’action des manifestant(e)s qui se battent contre ces dérives publicitaires, dont les pubs des Galeries Lafayette sont un fleuron.
Nous avons à Nîmes un magasin de votre marque, mais soyez assuré(e)s que je ne risque pas d’y mettre les pieds. C’était pourtant, avant, une référence de qualité. Mais si on a besoin d’utiliser la sexualité et la violence comme arguments de vente, c’est que le rapport qualité/ prix est vraiment nul.
Pas de salutations à des personnes qui méprisent à ce point la moitié de l’humanité.

Marie-Noëlle Bas, le 18 juillet 2002
Monsieur, j'ai pris connaissance de la lette que vous avez envoyée à notre porte-parole (et non présidente) Florence Montreynaud le mois dernier.
Je voudrais apporter quelques précisions à vos remarques :
- d'une part, notre manifestation à l'occasion de la Fête des mères ne mettait nullement en cause les Galeries Lafayette, contrairement à ce que vous écrivez, nous manifestions pour une Fête des mères gratuite et nous mettions en cause la société de consommation qui pousse les enfants et les maris à acheter, de l'électroménager entre autres, pour fêter les mères, quelle dérision !!
- d'autre part, la vocation de notre réseau (et non association) "La meute contre la publicité sexiste" est, comme notre nom l'indique, de réagir contre les publicités sexistes ; ce qui peut effectivement être compris dans la défense des droits des femmes (et non de la femme).
- Enfin, vous n'avez pu constater de caractère discriminatoire contre les Galeries Lafayette du boulevard Haussmann, puisque nous avons également manifesté devant les magasins C&A de la rue de Rivoli, début juin, plusieurs fois l'année dernière devant des magasins Weston.... Notre volonté, loin d'être centrée sur la nuisance à un groupe et au vôtre en particulier, est d'alerter l'opinion sur les publicités sexistes diffusées par nombre d'annonceurs.
Deux de vos publicités nous ont fait particulièrement réagir : celle avec une femme au corps "pied de lampe" et avec un abat-jour sur la tête et celle des soldes qui montrait une femme victime de violences. Aujourd'hui, c'est encore celle pour les soldes d'été qui me fait réagir : plus d'oeil au beurre noir pour Laetitia Casta, mais une tenue de combat. Vous persistez à nous faire croire que les soldes (auxquels en majorité les femmes participent) sont un combat ! Mais vous prenez les femmes pour des mégères prêtes à se battre pour un bout de chiffon ! Je ne suis pas d'accord et n'aime pas que ce type de cliché sexiste soit véhiculé en 4x3 à la vue de tous. C'est pourquoi, je continuerais à vouloir manifester devant les Galeries Lafayette si vous poursuivez ce type de campagne.
Sincèrement.
Marie-Noëlle Bas (une des responsables de La meute contre la publicité sexiste de Paris)

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