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Sommaire de "Agir" Sommaire de l'action 7

Action n° 7
Galeries Lafayette

Page 3 sur 5 : 2ème manifestation (2 mars 2002)

1. Tract
2. Premières réactions aux deux manifestations
3. Réponse de la responsable de communication des Galeries Lafayette
4. Réactions de membres de la Meute

LES FEMMES NE SONT NI DES OBJETS NI DES MARCHANDISES !

Sur la nouvelle affiche des Galeries Lafayette, un corps très mince de femme debout, déhanché, est posé sur un plateau à roulettes. Une longue robe noire moulante l’enveloppe et les jambes, entravées, ressemblent à la queue d’une sirène. La femme n'a pas de tête visible : à la place, un abat-jour rouge. De ses fesses sort un fil électrique qui va dans une prise. Les lettres « Déco de mars » barrent ce corps de femme assimilé à un pied de lampe.
Femme-chose, au corps sans tête, réduit au statut d’objet décoratif. Quel mépris pour les femmes, qui sont la majorité de la clientèle des Galeries Lafayette, dans cette chosification d’un corps féminin !
Le corps des femmes n’est ni un objet ni une marchandise !

D’autres publicités des Galeries Lafayette, dans la série due au photographe Jean-Paul Goude et à l’agence Publicis Conseil, ont utilisé le corps féminin ou la nudité en illustrant aussi des clichés sexistes. En août 2001, Laetitia Casta était représentée nue, de dos, assise sur un glaçon. En janvier-février 2002, l’affiche des soldes jouait sur le thème de la violence, avec une image de femme aux vêtements froissés et dont un œil était entouré d’une grosse tache violet foncé.
Le 24 avril 1999, beaucoup d’entre nous manifestaient devant les Galeries Lafayette, à Paris, qui exhibaient dans trois vitrines des mannequins vivantes en sous-vêtements.
Le 9 février 2002, nous avons manifesté contre la publicité pour les soldes, avec une image qui banalise la violence dont sont victimes des millions de femmes.
Le 2 mars 2002, nous manifestons pour dire NON à la marchandisation du corps des femmes, NON à la publicité sexiste, OUI à une loi antisexiste !
Nous demandons aux responsables des Galeries Lafayette de cesser leurs publicités sexistes.

Galeries Lafayette 40 boulevard Haussmann 75009 Paris. Adresse mél de la responsable de communication : aroccasimon@galerieslafayette.com

Des Nouvelles de La Meute - N° 32 - 14 mars 2002 (extrait)
Déjà deux manifestations devant les Galeries Lafayette, à Paris ! Et ce n’est pas fini…

Les deux manifestations de La Meute le 9 février et le 2 mars devant les Galeries Lafayette, boulevard Haussmann à Paris, avaient pour objet de demander que cessent les publicités sexistes de ce magasin.

Lors la première manifestation (organisée avec d’autres associations), nous avons protesté contre la publicité pour les soldes : photo d’une femme, l’œil entouré d’une grosse tache violet foncé et portant d’autres signes de violence ; certaines d’entre nous avaient un œil maquillé « au beurre noir » et nous avons distribué un tract intitulé « La Violence des soldes ». La seconde fois, il s’agissait d’une publicité représentant un corps de femme à la tête couverte par un abat-jour ; nous portions sur la tête un abat-jour, et notre tract disait : « Les femmes ne sont ni des objets ni des marchandises ».
Les deux manifestations ont été un succès : nous avons diffusé des milliers de tracts, et recueilli parmi les passant-es l’assentiment de nombreuses personnes. Notre action, avec son spectacle de rue (slogans, chansons, danse, Carmagnole de la Meute), a fait l’objet de reportages télévisés (TF1, Canal+, M6), d’informations diffusées à la radio (RTL, RFI, France Inter) et dans de nombreux quotidiens.
Parmi les messages reçus à la suite de ces manifestations, deux lettres significatives :
la première, signée « Un homme », se veut insultante : « Toutes les femmes sont bonnes à baiser et à sodomiser. Toutes des salopes bouffeuses de bite. »
la seconde est envoyée par une femme qui donne courageusement son nom et son adresse (c’est dans son propre intérêt que je ne les reproduis pas) : « Je travaille comme vendeuse à mi-temps aux Galeries Lafayette, je suis indignée de la série de publicités dégradantes pour l’image de la femme que M. J.-P. Goude avec le concours de Laetitia Casta a réalisées pour le compte du magasin. Il est temps de réagir. Je vous donne mon soutien pour la lutte que vous avez décidé de mener afin de faire cesser cela au plus vite. Merci encore. »

Nous continuerons donc, car M. Goude annonce que la même série va se prolonger pendant toute l’année 2002. Nous attendons de pied ferme les nouvelles campagnes.

Réponses (identique) d'Alexandra Rocca-Simon, Directrice de la Communication, adressée aux personnes ayant écrit à propos de ces publicités.
Paris, le 27 février 2002
Madame,
J’ai bien reçu la lettre que vous m’avez fait parvenir mettant en cause la communication publicitaire des Galeries Lafayette et notamment le visuel des Soldes.
Le combat que vous menez pour la défense de l’image de la femme dans la publicité et qui contribue plus globalement à la défense de la cause des femmes en général est un combat juste que je comprends et qu’à titre personnel je partage. Je pense cependant très sincèrement qu’en choisissant comme objet de votre démonstration les Galeries Lafayette, vous vous trompez de cible.
Lorsque nous avons lancé en mars 2001 notre nouvelle campagne signée Jean-Paul Goude et interprétée par Laetitia Casta, nous avons volontairement opté pour un style radicalement différent de la tendance " porno chic " qui caractérisait alors la communication des marques de mode notamment dans le secteur du luxe.
Les valeurs que véhicule notre campagne sont celles de la beauté, de la vitalité, de la gaieté, de l’humour et de l’impertinence. Construite comme une grande bande dessinée retraçant, visuel après visuel, les aventures de Laetitia Casta, sa tonalité générale est empreinte d’une réelle originalité et reflète un style très largement allégorique. Le visuel Soldes s’inscrit dans cette saga, et nous avons été extrêmement surpris de la réaction de votre association - d’autant plus que ce visuel avait déjà servi à exprimer les soldes il y a 8 mois, et n’avait alors suscité aucun commentaire de cette nature. Ce visuel vise à exprimer la frénésie des soldes dans un traité allégorique et humoristique. Il n’y a aucune ambiguïté ou équivoque possible sur le contexte de la situation, et notamment d’assimilation à une situation de violence conjugale.
Je souhaiterais enfin terminer en soulignant que la campagne Galeries Lafayette fait, depuis son démarrage, l’objet d’un véritable plébiscite. Nous procédons en effet très régulièrement à des études d’impact - chaque visuel affiché fait notamment l’objet d’une étude IPSOS spécifique - et nous avons pu constater à quel point celle-ci rencontre l’adhésion du public et notamment des femmes qui représentent, comme vous le savez, la grande majorité de notre clientèle.
En souhaitant que ces précisions vous permettent de mieux apprécier la communication des Galeries Lafayette, je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes salutations distinguées.
Alexandra Rocca-Simon, Directrice de la Communication

Réponses à la réponse de la directrice de communication

Madame,
La Meute a manifesté devant votre magasin du boulevard Haussmann pour protester : d'abord, contre la publicité pour vos soldes : la photo d'une femme, l'oeil entouré d'une grosse tache violet foncé et portant d'autres signes de violence ; personnellement, je n'ai aucune envie d'aller me faire massacrer pour acheter des fringues, même à bas prix ! Je ne m'identifierai jamais à ce genre de pub et déplore que, dans le climat de violence que connaît notre société, les Galeries Lafayette aient pu trouver "drôle" d'en colporter l'image.
Puis contre la nouvelle publicité représentant un corps de femme déguisée en abat-jour. Ben voyons ! Pourquoi pas un Noir en distributeur de papier cul et un Arabe en torchon à vaisselle ?
Sexisme =racisme.
C'est pourquoi je me joins aux personnes qui ont manifesté pour vous demander de cesser d'utiliser des publicités sexistes.
Un bon conseil : changez d'agence de pub !
Signé : une future-ex-cliente.
Sylvie Chaussée-Hostein, 27 fév. 02

Violence-chic
Si vous pensiez me convaincre avec ça, c'est raté ! Je n'ai pas plus d'estime pour la violence-chic (conjugale ou non) que pour le porno-chic. Et en la combattant, je ne me trompe pas de cible.
Vous dites "Les valeurs que véhicule notre campagne sont celles de la beauté, de la vitalité, de la gaieté, de l’humour et de l’impertinence". Où est la beauté dans un visage massacré ? Je ne la vois pas plus que la vitalité et la gaieté. L'humour qui en ressort est du registre des blagues de Le Pen sur les fours crématoires. Quand à l'impertinence, si elle est pour vous synonyme de manque de pertinence, alors oui, j'en trouve dans cette pub.
Bref, je reste et, apparemment, vu les positions des Galeries Lafayettes, resterai, une ex-cliente.
Sylvie Chaussée-Hostein, 27 fév. 02

Une cliente de moins !
Madame,
La Meute a manifesté le 9 février et le 2 mars devant votre magasin du boulevard Haussmann pour protester,
- d'abord, contre la publicité pour vos soldes : la photo d'une femme, l'oeil entouré d'une grosse tache violet foncé
- puis contre la nouvelle publicité représentant un corps de femme à la tête couverte par un abat-jour.
J'ai pris la décision de cesser tout achat aux Galeries Lafayette.
A titre d'information, j'étais une cliente relativement fidèle, puisque mes achats se sont montés à 4675F en 2001 et devaient être à peu près équivalents les années précédentes.
Je redeviendrai cliente chez vous dès que vous aurez pris l'engagement de ne plus utiliser des publicités sexistes.
Je vous prie de recevoir mes sincères salutations,
Christiane Marty, 27 février 02

Chere Madame,
J'ai été alerté par la Meute au sujet de la publicité conçue pour les Galeries Lafayette utilisant un corps de femme réduit à l'état de simple accessoire de decoration.
On pourrait m'objecter que, étant un homme, je ne peux pas avoir d'opinion, d'autant que j'apprécie les corps de femmes.
Ce serait oublier que la banalisation de ce que l'on aime s'apparente à sa dévalorisation !
De plus, ce serait croire que les hommes ne sont pas eux aussi dénigrés dans cette chosification, réification du vivant.
Je ne doute pas que le sens de notre société soit vers une réification du vivant (cf. le brevetage du vivant à propos duquel je vous conseille
http://www.OGmdangers.org/Actions/brevets et leur appel contre les brevets sur le vivant). Mais je pense que c'est mauvais (et zut à ceux qui refusent tout jugement).
Ce n'est pas parce que tout le monde fait quelque chose que c'est bien.
Bref, je me sens dégradé dans l'être de chair que je suis, qui justement apprécie les corps de femme, quand je vois votre publicité. Je les aime pour ce qu'ils sont. Pour leurs qualités, leurs défauts, leur diversité, bref, leur vie. Pas pour leur perfection lissée et normalisatrice qu'a forcement une communication à grande échelle.
Je n'ai pas d'espoir que vous arrêtiez. Je voulais seulement faire que vous assumiez _en personne (physique et morale !)_ les conséquences de réification de votre publicité en soulignant les conséquences de ce processus qui depasse de loin les Galeries Lafayette mais dont personne ne se préoccupe.
Disons qu'on en reparlera dans 10 ans ...
Cordialement
Hervé Le Meur, Chargé de recherche au CNRS, Orsay, 27 février 02

Je termine tous mes courriers aux Galeries Lafayette par:
"en conséquence de quoi....
JE N'AI JAMAIS ENVIE D'ALLER AUX GALERIES LAFAYETTE."
(leur pub actuelle dit "j'ai toujours envie d'aller aux Galeries Lafayette")
Ça pourrait être drôle si on s'y mettait toutes et tous.
J'envisage de faire figurer mon revenu annuel juste après, qui sait, ça peut aider les Galeries à réfléchir.
Carine Libermann 27 février 02

Son discours est bien appris, bien huilé. On pourrait parler d'une langue de bois et les allégories ont bon dos. Je ne vois pas très bien comment articuler une allégorie et un fil électrique dans le c.... En plus une lampe on l'allume et on l'éteint comme on le souhaite. L'allégorie serait-elle qu'une femme, on la laisse parler ou on la fait taire comme on le souhaite???
N'y aurait-il donc pas machisme sous roche ?
Sylvie Escat, 27 février 02

Ce sont les éternelles remarques sur la beauté et l'humour auxquels nous, féministes, serions particulièrement imperméables.
De plus parler d'allégorie et d'humour en référence à l'oeil au beurre noir me semble un peu poussé, il aurait suffit que L.Casta ait l'air "frénétique" sans ce maquillage très explicite !
Marie-Noëlle Bas, 27 février 02

Madame,
Je soutiens l'action de La Meute qui a manifesté devant votre magasin début février bien que je n'habite pas Paris. Je m'y étais rendue en touriste l'été dernier et j'avais eu le déplaisir de subir la raie des fesses de Mlle Casta sur une vingtaine de centimètres. Vous comprenez qu'on ait pas forcément envie de voir ce genre de détail intime de la demoiselle. (déjà qu'on a pas forcément envie de la voir en général) Et ce Jean-Paul Goude qui passait pour un artiste en vue il y a quelques années est finalement d'une ringardise désespérente. Avant de vous servir de nos regards sur vos visuels, pensez à nous considérer un tant soit peu car en plus, ils participent à la mauvaise ambiance. Nous n'avons pas encore à Marseille la Casta-bajour mais celle avec Henri Salvador et la mariée aux cuisse huilées et jupe relevée... de toutes façons, toute cette campagne a été déplorable. J'espère qu'on arrive à la fin car hélas, je travaille à côté d'un de vos magasins.
Recevez une considération équivalente à celle que vous nous adressez à travers les publicités que vous affichez.
Sylvie Travaglianti, 27 fév. 02

Madame,
La Meute a manifesté le 9 février devant votre magasin
du boulevard Haussmann pour protester, d'abord, contre la publicité
pour vos soldes : la photo d'une femme, l'oeil entouré d'une grosse
tache violet foncé et portant d'autres signes de violence ; puis contre la nouvelle publicité représentant un corps de femme à la tête couverte par un abat-jour.
Je me joins aux personnes qui ont manifesté pour vous demander
de cesser d'utiliser des publicités sexistes. »
Je me joins aux membres de La Meute, en mon nom personnel. C'est réellement indigne d'un grand magasin comme le vôtre, dans lequel des centaines de milliers d'étrangers viennent tous les ans, apporter leurs devises et gonfler votre CA.
A quand une pub "talibane" ?
Réfléchissez bien, ce que vous faites est la même chose : emprisonner la femme dans un ghetto, quelque soit le carcan.
Je ne vous dis pas merci pour l'image que vous donnez, à travers ce visuel, d'un monde occidental soit disant "évolué"
Julie DUPUY, 27 fév. 02

Madame.
Merci d'avoir pris le temps de répondre à mon précédent courriel.
Votre réponse est partiellement très cohérente et néglige seulement de nombreux acquis concernant la place de la publicité dans la formation non consciente des références individuelles.
Tant que vous n'utiliserez pas de manière équivalente et systématique (dans un usage sain ou non d'ailleurs) les images des hommes et des femmes, vous concourrez malgré vous à renforcer les tendances sexistes, lesquelles, et d'autant plus que leurs effets sont susceptibles d'être graves, ne peuvent qu'être condamnées.
Mais vous avez les compétences pour savoir à quel point de votre raisonnement le discours que vous tenez, si sympathique soit-il, deviens langue de bois commerçante...
Par ailleurs, publiphile patenté, j'avais très bien perçu le message de "la violence des soldes". Celà ne change rien. Tout comme le fait que vos publicités peuvent être reçues de manière sympathique, y compris par des non-naïfs dont je fait partie. Car vos arguments négligent ce qui a amené, en d'autres domaines, à adopter la loi Evin sur la publicité vis à vis des alcool et du tabac.
Je ne saurais trop vous conseiller, si les références pour comprendre les opposants à vos campagnes venaient à vous manquer, de consulter les textes référencés sur le site de la Meute, entre autre...
Dans l'attente, votre nouvelle publicité, qui présente une femme sans tête en pied d'abat-jour, pose des problèmes du même ordre; la caution esthétique (si intéressante soit-elle) ayant remplacé celle del'humour. Je me joint donc aux protestations qui dénoncent l'usage sexiste fait du corps des femmes (également) dans cette publicité.
Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes sentiments distingués.
Bruno Lebourg, 28 février 2002

Madame,
Je suis ravie de voir que vous et moi partageons certaines idées. J'ai lu attentivement votre réponse à mes lettres, et je suis assez d'accord, personnellement, pour dire que la pub qui montre Laetitia Casta avec un oeil au beurre noir ne porterait pas à confusion le moins du monde si la ligne de votre magasin était vraiment claire au sujet de l'image des femmes.
Mais je pense que c'est loin d'être le cas : je me souviens très bien d'une photo de Mlle Casta toute nue avec une marque de maillot de bain. Pour moi, comme pour toute personne sensée, ce visuel n'évoque pas la vitalité ou la frénésie d'un journée à faire les soldes. Ni même une journée à la plage : car j'ai l'habitude de porter un maillot de bain. Une femme en maillot de bain aurait été tout à fait convenable, mais une femme toute nue évoque davantage les fantasmes des hommes, qui déshabillent mentalement les femmes lorsqu'ils les voient en maillot sur la plage.
Pour moi, c'est une façon, une parmi tant d'autres, de montrer une femme dans une situation d'objet sexuel, et d'imposer à toutes les femmes une idée du corps féminin tel qu'il doit être, et tel qu'il n'est pas, certainement. Pour moi, ce visuel n'est rien autre que pornographique. Il met tout le monde mal à l'aise, et j'ai certaines amies féministes qui se sont sentie particulièrement bien lorsqu'elles ont pu coller des autocollants dessus un soir dans la métro. Elles avaient l'impression de se libérer et de se défouler.
Or ce qu'expriment les féministes est le plus souvent ressenti aussi par la plupart des femmes. Et je doute que l'enquête dont vous parlez, qui montraient que les femmes étaient satisfaites de votre campagne concernait aussi cette image. Un autre signe que ces visuels sont malsains, c'est ce que j'ai pu lire sur l'un d'eux, un jour, dans le métro, certainement pas par une féministe. On lisait : « Rhabille-toi, salope, vermine. » Certainement il s'agissait des écrits d'un détraqué, mais on ne voit pas de telles insultes sur les publicités qui traitent les femmes comme des sujets libres, et non comme des potiches érotiques.
C'est pourquoi à mon avis de telles publicités réveillent et entretiennent des pulsions malsaines.
Un autre visuel, qui me montre que décidément votre magasin me donne l'impression de vouloir nous provoquer, c'est cette autre publicité qui est décrite par Florence Montreynaud : c'est une femme qui est « déguisée » en lampadaire. Pourquoi un lampadaire ? Qu'est-ce qui a donné aux Galeries Lafayette l'idée de transformer une femme en lampadaire ? Je pense que vos publicitaires ont tellement l'habitude de voir les femmes représentées comme des objets qu'ils n'ont même pas conscience de ce qu'ils nous disent en nous transformant ainsi. Le mail que je reçois de vous, et qui m'a l'air de bonne foi, m'assurant que vous ne pensez pas porter atteinte à l'image des femmes dans vos pub me conforte dans l'idée que votre magasin ne se rend pas compte du message réel de certaines images. Je me permets donc de vous faire remarquer qu'un lampadaire est un objet, et qui plus est n'est pas un objet noble, et même plutôt ridicule. En fait, votre publicité me fait penser à la chanson de Renaud qui dit : « Je me changerai en chien, et comme réverbère quotidien, je m'offrirai Mme Thatcher. » Elle me fait encore penser à l'expression « femme-objet », ou « potiche ». Vraiment, vous auriez voulu provoquer l'association la meute, que vous n'auriez pu mieux faire. C'est parce que j'ai apprécié votre lettre que j'ai tenu à vous expliquer pourquoi je compte bien continuer à vous envoyer des mails de protestation. Je n'espère pas vous avoir convaincue, parce que je sais à quel point les représentations sexistes sont tenaces. J'espère seulement vous avoir fait comprendre pourquoi je ne pouvais pas me reconnaître dans vos publicités : je ne veux pas voir des femmes toutes nues, ou des femmes-lampadaires. Je ne veux pas des top models, des images malsaines. Je veux des publicités où l'on voit des femmes comme toutes les femmes, habillées, dans un cadre dans lequel nous puissions nous identifier. Des publicités drôles et saines. Il semble que je ne suis pas la seule dans ce cas. Et si vous voulez nous faire revenir, donnez-nous des publicités féministes ! Cordialement.
Evelyne Malcor, 27 fév.02

"Ce visuel vise à exprimer la frénésie des soldes dans un traité allégorique et humoristique. Il n'y a aucune ambiguïté ou équivoque possible sur le contexte de la situation,et notamment d'assimilation à une situation de violence conjugale." Alexandra Rocca-Simon, Directrice de la Communication des Galeries Lafayette
Certes, les "précisions" de Madame Rocca-Simon permettent de "mieux apprécier la communication des Galeries Lafayette", c'est-à-dire l'obstination de l'entreprise à nier le contenu profondement sexiste et reactionnaire de ses representations des femmes.
L'argument comme quoi elles se "trompent" et "n'ont rien compris" n'est pas nouveau pour les feministes. Ce sont apres tout des femmes (en general), et comme les icones des Galeries, elles ne brillent donc pas par leur intellect.
En plus, elles sont hysteriques et voient des choses terribles là où on veut seulement que les femmes s'amusent en toute innoncence. En fait, les femmes seraient ravies par ces images exprimant la "beaute", la "vitalite", "l'humour", la "gaïte" et "l'impertinence".
Il n'y a vraiment que les feministes pour mal interpreter "le traite allegorique" de Jean-Paul Goude qui ne peut pas prêter à confusion. C'est vrai que c'est un mot complique pour les feministes "allegorie" donc au lieu d'apprecier l'oeuvre d'art du maitre, on invente des choses impossibles.
Une nouvelle fois, les Galeries prennent les femmes pour des... idiotes, pour parler poliment, ce qui n'est pas etonnant vu le dernier tour de force : Laetitia Casta interpretant a la perfection le comportement absurde d'une ecervelee sous la direction du genie Jean-Paul Goude. En plus, les Galeries sont persuadees que leur "idiote heureuse" est une veritable trouvaille d'une grande originalite.
Exprimer ainsi la "frénésie des soldes", il faut dire que madame Rocca-Simon ne manque pas, elle, d'humour, encore que les clientes des Galeries apprecieront peut-etre moyennement qu'elle s'amuse a leur depens.
Si Madame Rocca-Simon faisait elle-même l'experience d'un micro-trottoir sur cette campagne, elle constaterait au mieux que la plupart des personnes ont du mal a lui trouver le moindre sens et que la saga est ridicule. Il y a tellement à faire en matiere de lutte contre le sexisme dans la publicite qu'on ne peut pas reagir systematiquement meme si on aimerait bien. Mais enfin là, ca s'imposait, il ne faut pas non plus pousser ses clientes dans les orties.
La reponse de madame Rocca aux critiques des publicites des Galeries montre justement qu'en choississant les Galeries Lafayette on ne se trompe pas de cible. On veut nous faire croire que c'est soit ça (les idioties de Laetitia Casta mises en scene par Jean-Paul Goude) soit le "porno chic", pour citer Madame Rocca-Simon. Pour les Galeries, les femmes sont bien, soit des sottes, soit des objets sexuels, soit les deux a la fois. Dans ces conditions, difficile d'imaginer autre chose !!!
Les Galeries n'ont pas d'imagination en dehors d'un repertoire de stereotypes, c'est possible. Que les Galeries nient la violence symbolique qu'elles exercent contre les femmes n'est pas etonnant non plus. Par contre, "L'humour", "l'impertinence" (ouh la vilaine!! Quelle rebelle!!) et la "vitalite" des aventures de Laetitia Casta ne peuvent pas nous faire oublier que la grande majorite des femmes a fait l'experience de cette violence, que ce soit à travers l'aggression verbale, la violence physique, ou la pression sociale.
Au mieux, on dira que c'est de mauvais gout. Même allegorique, la violence contre les femmes n'est pas un sujet de plaisanterie. Arretons de nier la realite en representant des femmes stupides obsedees par l'opinion que des hommes ont de leur apparence. Les femmes se battent surtout pour leurs droits, et leur vitalite, elles la mettent au service de leurs projets professionnels et personnels.
Il n'est pas etonnant que la directrice de la communication des Galeries Lafayette ne s'en rende pas compte car elle semble encore bercee par l'illusion que les etudes d'impact Ipsos sont un moyen credible de savoir ce que des personnes peuvent ressentir par rapport aux messages publicitaires.
Il est donc une grande nouvelle que nous devons apporter a Madame Rocca-Simon, ce que les femmes plebiscitent, malgre le machisme ambiant de la societe sexiste dans laquelle nous vivons et dont les sondages Ipsos font partie, c'est la defense de leur droits et de leur individualite.
Mais tous comptes faits, c'est vrai qu'elle a de l'humour, Alexandra Rocca-Simon : elle aussi elle est feministe et partage notre combat contre le sexisme! Il y en a qui poussent le bouchon un peu loin...
Angeline Benoit, 1er mars 02

Madame,
Enseignante en université, je proteste auprès de vous quant à l'image dégradante des femmes que votre entreprise donne à nos jeunes générations.
Heureusement, elles sont de plus en plus nombreuses à faire des études supérieures et ne se laisseront plus tromper ; elles réagiront fermement en ne venant plus dans vos magasins. Il faudrait sortir d'un passé archaïque de la publicité qui s'éloigne de plus en plus de ce que pensent les jeunes, filles et garçons. Votre entreprise prend des riques commerciaux évidents et énormes en transformant le corps des femmes en lampe de chevet.
Inamicalement
Jacqueline Martin, 2 mars 02

Je suis profondément choquée de vos publicités, celle représantant une femme avec un oeil au beurre noir et l'autre : une femme avec un abat- jour sur la tête.
Je suis de celles qui organisent des permanences juridiques gratuites pour aider les femmes à sortir de la violence qu'elles vivent au quotidien soit dans leur couple soit sur leur lieu de travail, cet oeil au beurre noir affiché est ignoble pour elles, cet affichage banalise une violence insupportable en France et ailleurs, de nos jours.
Quant à celle représentant une femme avec un abat-jour sur la tête montre l'image que vous avez des femmes, nous ne sommes pas des potiches. Après discussions, tant que durera cette publicité, mes amies et moi-même ne mettront plus les pieds dans un magasin Galeries Lafayette, ces publicités sont aussi dégradantes pour leurs auteurs, pour votre enseigne qu'elles le sont pour nous. Je me permets de vous inciter fortement à utiliser d'autres formes de publicités.
Catherine LACROIX, Bagnols sur cèze le 15 mars 2002

Madame,
Je viens de prendre connaissance de votre réponse à " la meute" concernant les messages publicitaires utilisés par votre magasin " les galeries Lafayette" , je pense que vous ne réalisez pas que vos client(e)s sont de plus en plus agacé(e)s par vos méthodes publicitaires !!!!
Cet été votre affiche avait déjà bien amorcé mon agacement, votre entètement me pousse à prendre conscience de votre mépris envers vos client(e)s.
Espérant, pour votre personnel, que vous n'attendrez pas une baisse importante de votre chiffre d'affaire pour réagir !
Une ex cliente, Eliane Esteve, 15 mars 02

Madame,
Je vous envoie ce mèl aujourd'hui pour vous signifier ma profonde désapprobation face aux publicités sexistes utilisées par les Galeries Lafayette et mon désarroi quant à leur volonté manifeste de persister dans ce sens.
Aussi, je vous informe de ma décision, prise il y a quelques mois déjà, de ne plus acheter aux Galeries Lafayettes de Reims (ni ailleurs).
Laurence Pelletier, 17 mars 02

Vous persistez dans l'erreur en continuant à réduire la femme à un rôle particulièrement secondaire.
En tant que client des Galeries Lafayette, je tiens à manifester mon mécontentement... puisque les premiers protestataires ont été rangés dans une catégorie de minoritaires.
Je tiens à faire observer que certaines enseignes concurrentes jouent plus fin en utilisant la multiplicité des styles féminins.
Faudra-t-il renvoyer la carte Galeries Lafayette pour que vous compreniez ?
Sentiments distingués.
Georges CINGAL, 24 mars 2002

Vous avez fait un choix et vous me confortez dans le mien.
Sachez que vous ne pouvez pas gagner sur tous les tableaux!
Salutations d'un ex-client.
G. Cingal, 26 mars 2002

Bonjour,
Merci pour votre réponse.
Je vous cite : " Construite comme une grande bande dessinée retraçant, visuel après visuel, les aventures de Laetitia Casta, notre campagne est empreinte d?une réelle originalité et reflète un style très largement allégorique. Les valeurs qu?elle véhicule sont celles. " Merci pour ce cours de communication. Mais une chose m'échappe : quelle valeur est mise en avant dans la publicité montrant notre chère Laëtitia portant des signes de violences : est-ce de la beauté, de la vitalité, de la gaieté, de l'humour ou de l'impertinence ? Autre question : les 2 millions de femmes ayant subi des violences (physiques ou morales) dans leur couple durant les 12 derniers mois : vous diriez que cela est beau, vif, gai, plein d'humour ou impertinent ? Une dernière : selon vous, les femmes ayant subi un viol, pensent-elles que ce qu'elles ont vécu était d'une grande beauté, vitalité, gaieté, impertinence ou plein d'humour ?
Chère madame, vous êtes sans doute une personne très compétente et intéressante. Mais voyez-vous, ce n'est pas la peine de me répondre si c'est pour m'assener de nouvelles théories sur la communication. Mais si vous voulez me parler de la vraie vie et de la manière de la changer, alors ....
Isabelle GUEGUEN – QUIMPER, 29 mars 2002

Madame,
Je suis scandalisé par les publicités sexistes qui se développent actuellement et qui sous un couvert fallacieux d'humour donnent des images dégradantes de la femme. Je pense en effet que de tels messages ne sont pas "neutres" et, bien au contraire, ne contribuent pas à développer les valeurs de respect et de solidarité qui me semblent essentielles.
En conséquence, je vous informe de ma décision de ne pas acheter de produits aux Galeries Lafayette tant que votre société n'affichera pas des valeurs montrant une éthique plus proche de mes conceptions d'une société humaine développée.
Vous souhaitant bonne réception de ce message, je vous prie d'agréer, Madame, mes salutations distinguées,
Loïc Gérard, 8 avril 2002

Voici le début d’un article sur un ballet, qui cite la manifestation de La Meute devant les Galeries Lafayette le 2 mars 2002.
« Sasha Waltz, "Coppelia," and the Manipulation of the Body », par Paul Ben-Itzak (traduction en-dessous)
Copyright 2002 The Dance Insider
PARIS -- The rear approach to the Garnier Opera House is guarded by 18 women in bronze, hoisting lamps above their bared torsos, some with their eyes open, some closed. Continue about a hundred feet up the rue Halevy on a recent Saturday afternoon, and you would have encountered a vigil of a different sort, with live women, some with lampshades on their heads, protesting the latest billboard fronting the trendy Galeries Lafayette: It showed a woman on a pedestal with a lampshade covering her head, plugged in to a wall socket. The activists were objecting to the objectification of women represented by the billboard, but a frequenter of the ballet at the Garnier would have found another feature to object to: The model's pencil-thin body, compressed even more by her skintight black catwoman's suit. The figure resembled, in its thinness, those of some of the Paris Opera Ballet dancers featured Saturday night in Patrice Bart's re-imagined "Coppelia," which envisions a swarthy Dark Prince of a Coppelius whose objective is to turn Swanilda into a mannequin. A lighter vision of humankind -- and a healthier representation of the human body -- was revealed Friday at the Theatre de la Ville - Sarah Bernhardt in Sasha Waltz's "S."
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traduction, par Annick Boisset
Les abords arrière de l'Opéra Garnier sont gardés par dix-huit femmes en bronze, les unes les yeux ouverts, les autres les yeux fermés, brandissant des lampes au-dessus de leur torse dénudé. A cent mètres de là, en continuant le long de la rue Halévy, vous auriez pu rencontrer, un de ces derniers samedis après-midi, des vigiles d'une autre nature : des femmes vivantes, cette fois, dont certaines portaient des abat-jours sur la tête, et qui manifestaient contre la nouvelle affiche apposée sur la façade du magazin branché, les Galeries Lafayette. Cette affiche montrait une femme sur un piédestal, reliée à une prise électrique murale, avec un abat-jour sur la tête. Le but de la manifestation était de dénoncer la chosification" de la femme représentée sur le panneau d'affichage. Un habitué du Palais-Garnier aurait fait une autre objection : le corps du modèle, mince comme un fil, et de surcroît comprimé par un fourreau noir ultra-moulant de femme-chat. La silhouette ressemblait, par sa minceur, à certaines danseuses du Ballet de l'Opéra de Paris, dans le "Coppélia" revisité samedi soir par Patrice Bart, qui met en scène un Coppélius brun et bronzé, dont l'objectif est de transformer Swanilda en mannequin ! Une vision plus légère de l'humanité, et une représentation plus saine du corps humain, a été donnée vendredi au Théâtre de la ville dans "S" de Sasha Waltz.