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Voici l'échange entre La Meute et la HALDE, suivie de lettres de membres, à propos de l'action contre Surcouf :

Le 28 octobre 2008, notre réseau adresse à M. Louis Schweitzer, Président de la HALDE, la lettre suivante :

<< Monsieur le Président,
Au nom du réseau féministe La Meute des Chiennes de garde (qui groupe 6 503 personnes et associations, dans 58 pays), je porte plainte devant votre Haute Autorité contre les magasins Surcouf au sujet d'une campagne de publicité.
Dans les vitrines du magasin parisien 139 avenue Daumesnil, ont été exposées à partir du 1er octobre 2008 des affiches avec une image de prostitution : deux jeunes femmes blondes en soutien-gorge, slip et bas noirs, déhanchées et cambrées, qui regardent les passants - clients potentiels - par en-dessous avec un sourire d'invite. Elles encadrent un adolescent en bermuda, l'air niais. Lui posant la main sur l'épaule, elles s'apprêtent à l'embarquer, comme en témoigne le slogan : « Résisterez-vous à autant d'@vantages ? »
Dans le magasin, sur le site et sur un dépliant, figuraient aussi d'autres images des deux femmes, ou d'une seule, dans la même tenue, avec en travers du corps la mention « - 10 % ».
Nous avons annoncé le 21 octobre que nous allions manifester devant le magasin en demandant au PDG de Surcouf de retirer ces images sexistes de ses vitrines. Il a obtempéré aussitôt.

Pour les employés de ce magasin comme pour les clients, pour les passants devant ces vitrines comme pour les milliers de citoyens concernés que nous sommes, ce type de publicité sexiste, très répandu dans notre environnement et donc imposé à notre vue, constitue une discrimination à l'encontre des femmes. Comment obtenir le respect et des salaires égaux si les situations représentées majoritairement dans la publicité mettent en scène des ménagères ou des prostituées ?

En vous remerciant de la suite que vous donnerez à la plainte de notre réseau, je vous prie de croire, etc.
Florence Montreynaud>>

Trois mois plus tard, les Chiennes de garde reçoivent la réponse suivante, signée « pour le Président et par délégation » de la directrice juridique adjointe, Sophie Latraverse :

<< Paris, le 22 janvier 2009
Madame,
Par un courrier en date du 28 octobre 2008, vous avez appelé l'attention de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité sur une campagne publicitaire menée par les magasins Surcouf.
La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est compétente pour traiter les discriminations prohibées par la loi, y compris celles exprimées dans le domaine de la publicité. Elle est engagée dans la lutte contre les discriminations, à la fois dans le cadre du traitement des dossiers individuels, mais aussi grâce à des actions plus larges d'information et de communication, afin que cessent ces pratiques illégales.
Je vous remercie de l'intérêt que vous portez aux missions de la haute autorité ainsi que de votre contribution à la réflexion sur les missions de la HALDE.
>>

Trois mois pour nous faire une telle réponse !

Partagées entre la stupéfaction, l'indignation et le rire jaune devant ce foutage de gueule caractérisé, les Chiennes de garde ont longuement mijoté une réponse, que voici :


<< Nous nous étonnons du peu d'intérêt que vous nous portez en ne nous répondant pas sur le fond alors que nous vous annonçons que nous portons plainte devant la HALDE.

Nous vous prions de relire notre analyse : « La publicité sexiste constitue une discrimination à l'encontre des femmes. Comment obtenir le respect et des salaires égaux si les situations représentées majoritairement dans la publicité mettent en scène des ménagères ou des prostituées ? »

Nous attendons votre réponse sur le fond. >>

Nous recevons le soutien d'Yvette Roudy, ancienne ministre des Droits de la femme, et de l’association qu’elle préside, L’Assemblée des Femmes.

Commentaire de Myriam FERTET-BOUDRIOT, adhérente aux Chiennes de garde, 27 Avril 2009
A la suite de votre courrier du 22 janvier 2009, faisant réponse à la plainte déposée devant la HALDE par les Chiennes de garde, le 28 octobre 2008, permettez-nous de vous soumettre quelques réflexions.
1 - Contrairement à ce que vous exprimez, nous ne faisons pas que « nous intéresser au travail de la Halde », nous prenons ce travail en considération et nous faisons appel à elle à des fins anti-discriminatoires et éducatives.
2 - En effet, une publicité qui utilise les schèmes de pensée selon lesquels un être humain, quel qu'il soit, pourrait être à vendre (éventuellement en promotion), comme un objet utilitaire, travaille de manière sournoise, mais bien réelle (puisque encore utilisée efficacement de nos jours à des fins financières), à partir des éléments de culture ayant servi à la vente d'esclaves, à la mutilation de millions de femmes, aux génocides (réalités hélas bien d'actualité !). Entretenant ces éléments culturels, elles entrent en contradiction contre la Convention des Droits de l'Humain. Un être humain ne peut en aucun cas être réduit à un objet. Le respect de la Dignité et de l'Egalité de tout être Humain n'est pas qu'une idée, elle est un droit légal. C'est aussi une tâche éducative. Or toute publicité ou déclaration faisant l'apologie de l'utilisation de l'esclavage, du mépris, de la domination et de l'utilisation de l'un par l'autre est en contradiction avec cette déclaration : la discrimination peut porter sur la race, le sexe, la pensée ou la religion, le handicap physique ou mental. Elle est d'autant plus dangereuse lorsque d'apparence naïve, elle habitue l'inconscient à ce contexte du mépris entre Humains…
3 - C'est ce contre quoi nous nous élevons avec force. L'éducation commence par le travail des images culturelles qui nous environnent. Or le travail de la HALDE nous apparaît aussi comme un travail d'éducation.
Dans le cas choisi : il semble y avoir les deux, mépris du « niais », mépris de la « femme à vendre à bas prix », le tout confondu avec le désir de puissance et la sexualité « possession », non relationnelle.
4 - Nous espérons que vous voudrez bien prendre en compte nos remarques et la pleine dimension de votre travail. Sans doute êtes-vous confronté à de tragiques urgences, nécessitant des actions vives, néanmoins, en amont des urgences, cette dimension de votre travail, de l'ordre de la prévention, nous paraît tout aussi importante.

Nous attendions la réponse de la HALDE sur le fond.
LA VOICI !
C'est une lettre de son président M. Schweitzer en personne, qui s'est donc enfin décidé à nous prendre au sérieux.

2 juin 2009
Madame la Présidente,
Par courriers du 28 octobre 2008 et du 20 avril 2009, vous avez saisi la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, d'une réclamation relative à une campagne publicitaire menée par les magasins Surcouf, campagne dont vous dénonciez à juste titre le caractère sexiste et dont vous avez obtenu le retrait.
Je partage pleinement votre analyse sur le fait que la marchandisation comme le dénigrement de la femme dans la publicité est une des causes essentielles des phénomènes discriminatoires constatés notamment dans le monde du travail, et un frein puissant à la nécessaire évolution des mentalités.
Je ne peux néanmoins m'affranchir du cadre légal qui donne compétence à la HALDE pour « connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ».
Or les discriminations sont définies comme le fait d'adopter l'un des comportements prohibés limitativement visé par les textes (refus d'embauche, entrave au déroulement de carrière, licenciement, refus de vente ou de location…) en raison de l'un des critères prohibés par la loi, et notamment le sexe.
Les discours sexistes (injure, diffamation, incitation au sexisme) relèvent de la loi du 29 juillet 1881 modifiée qui réprime notamment les écrits et propos sexistes, et ne sont donc pas de la compétence de la HALDE. Seul le législateur serait en mesure de modifier cet état de fait.
Néanmoins, je tiens à souligner que je suis pleinement convaincu de la complémentarité de l'action de la HALDE avec celle de vos associations, et de l'absolue nécessité de multiplier les actions visant à faire reculer les propos, les violences et les discriminations sexistes. Enfin, et comme il vous l'a été indiqué, la HALDE s'efforce, dans le cadre de son travail en faveur de la promotion de l'égalité des chances, de faire reculer les préjugés sexistes en sensibilisant le grand public comme les acteurs de la société civile.


VOICI LA RÉPONSE DES BERGÈRES AU BERGER

Monsieur le Président,

Merci de votre réponse circonstanciée aux Chiennes de garde.

Vous reconnaissez la justesse de notre analyse quant au caractère sexiste de la campagne publicitaire du magasin Surcouf (octobre 2008).
Vous reconnaissez l'utilité générale de nos actions visant à faire reculer les propos et discriminations sexistes.
Nous en prenons acte.

Vous vous retranchez derrière le « cadre légal » qui limite la compétence de la HALDE, tout en soulignant que celle-ci peut « connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ».
Nous allons donc procéder au rappel des textes sur lesquels nous fondons notre plainte.

la loi française

Le 28 octobre 2008, notre réseau attirait votre attention sur le fait que « pour les employés du magasin Surcouf comme pour les clientes (...) ce type de publicité sexiste constituait une discrimination à l'encontre des femmes », et donc de celles qui travaillent dans le magasin.
Nous exposions ainsi le paradoxe : « Comment obtenir le respect et des salaires égaux si les situations représentées majoritairement dans la publicité mettent en scène des ménagères ou des prostituées ? »
Cet environnement sexiste, hostile aux femmes et donc à l'égalité professionnelle, est reconnu comme une discrimination selon l'article premier de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008.

« Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut : 1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; 2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2. »

La Convention internationale

La France est partie à la CEDAW (Convention pour l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes, 1979). Celle-ci énonce que « la discrimination généralisée contre les femmes viole les principes de l'égalité des droits et du respect de la dignité humaine », et définit comme discrimination « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ».

Compte tenu de ces dispositions, sur lesquelles vous pourriez parfaitement vous fonder pour exercer votre mission conformément au cadre légal, nous nous étonnons que la Haute Autorité que vous présidez n'ait jamais pris en considération les demandes fréquentes, émanant de nos membres, d'intervention de votre part au sujet de publicités sexistes.

La « complémentarité » de nos actions dont vous vous dites convaincu nous semble, particulièrement dans le domaine de la publicité sexiste, un jeu de dupes, car vous vous défaussez sur La Meute des Chiennes de garde pour assurer ce travail considérable, alors que nous sommes une poignée de bénévoles sans argent et que vous présidez une institution officielle de la République, dotée de moyens importants.

Veuillez croire, Monsieur le Président, à notre vigilance indignée.

les Chiennes de garde, 3 juillet 2009

Nous n'avons pas reçu de réponse. Grrrrr… !

L'ACTION DE LA MEUTE CONTRE SURCOUF (oct. 08)

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