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Réactions critiques ou hostiles

LA MEUTE, une bande de frustrées ?
Courriel reçu le 18 décembre 2002
Ce n'est pas une publicité, mais votre connerie qui m'insupporte ! Ces pubs vous dérangent ? Eh bien, ne les regardez pas ! Vous les trouvez obscènes ? Eh bien, n'achetez plus le produit qu'elles vantent ! Mais s'il vous plaît, cessez de geindre... Pour moi ces pubs (pas toutes bien sûr) sont des œuvres d'art et ne sont nullement dégradantes. En vous regroupant en meute, vous avez l'air encore plus pitoyables que les annonceurs que vous décriez... Je m'indigne, oui, mais de voir qu'à l'époque à laquelle on vit la tolérance n'est même pas tolérée au niveau de la communication. Et pourtant je suis féministe mais mon intérêt, c'est le droit des femmes qui n'est pas respecté et non pas de simples publicités. Revoyez votre combat.
Le sexe c'est la vie non ? Ca ne sert à rien d'être à ce point puritaines ! Vous avez toutes certainement fait déjà l'amour ! Alors, arrêtez de vous voiler hypocritement la face.
Aline

Réponse de responsables de La Meute
Moi, je voudrais bien ne plus les voir, ces pubs !
Le problème, c'est qu'on nous les impose absolument partout, et qu'on ne peut pas les éviter, à moins de ne plus sortir de chez soi, de ne plus prendre le bus ou le métro, ne plus acheter de journaux, ne plus aller chez le médecin, ni au pub, ni au restaurant, ni faire de courses.
Et même en vivant recluse, impossible encore d'y échapper : même sans mettre le pied dehors, je ne pourrais plus écouter la radio, ni discuter avec mes enfants, ni regarder la télévision, ni aller sur internet !!!
Alors, Aline, comment je fais pour vivre, si je ne veux pas voir la publicité ???
Amélie Duranty

Connerie, dites-vous , c'est notre " connerie " qui vous insupporte ? Et vous ne supportez pas de nous entendre "geindre"? Ne vous a-t on jamais dit que l'insulte n'était pas un très bon moyen de convaincre les gens ?…Et ne voyez-vous pas le paradoxe de votre attitude quand vous venez vous-même "geindre" auprès de nous?..
Mais passons et voyons un peu.
Vous considérez que ces pubs ne dérangent que nous, et que nous n'avons qu'à ne pas les regarder . Le problème est qu'elles sont partout, dans la rue, dans les journaux, à la télé, dans le métro…Impossible d'y échapper ,elles envahissent notre quotidien .Est-ce donc cela que vous appelez la "tolérance en communication", le fait d'assener à longueur de temps et en des millions d'exemplaires toujours les mêmes images humiliantes des femmes ? Ces images de servilité, d'infériorité, ne brillent que par le toc de leur fausse féminité-glamour dépourvue d'intelligence. Peut-être ces images plaisent-elles à la plupart des machos et à celles qui ont épousé leur cause, mais elles ne nous plaisent pas à nous, les féministes. C'est nous qui ne sommes pas tolérantes, dites-vous ? Moi je vous réponds que la vraie tolérance, ne consiste pas à dire tout et n'importe quoi. La vraie tolérance, c'est le respect ; il ne peut y avoir de tolérance pour l'intolérable, et nous trouvons intolérables les normes proposées par la pub : femmes jeunes, riches, blanches, de préférence blondes et pas très futées, toutes sur le même modèle , offertes et soumises, sans droit à la différence.…
Vous nous conseillez de ne pas acheter les produits concernés? Merci du conseil, on y avait déjà pensé, figurez-vous, et nous ne nous privons pas , dans nos actions, de conseiller à tout le monde d'en faire autant…
De l'art, la pub ? Allons donc, ne mélangez pas tout , je vous prie. L'art n'a pas vraiment de rapport avec une technique photographique au service d'une cause mercantile, dont le but n'est autre que de faire encore et toujours plus d'argent.
Vous vous posez des questions sur notre sexualité ? Vous n'êtes pas sûre que nous ayons jamais fait l'amour? N'ayez crainte à ce sujet. Justement, c'est au nom de l'amour que nous essayons d'agir , pour que tous les hommes qui nous confondent avec des produits de consommation courante ( heureusement, ils ne sont pas tous comme cela ) se mettent à penser que nous aussi nous sommes des êtres humains ,et pas seulement des marchandises sexuelles. Ce que nous souhaiterions, c'est qu'ils nous respectent en tant que personnes, et qu'ils respectent aussi notre droit au plaisir..
Annick Boisset

A mon avis, Aline est un homme.
Mes arguments : - la façon de débuter d'emblée par des insultes (sexistes), particulièrement caractéristiques.
- l'emploi de propos humiliants (geindre, pitoyables, etc.), qui témoigne, non pas d'une indignation face à un sujet et à des actions (la lutte contre les pubs sexistes), mais d'une haine plus générale qui trouve là un prétexte, un alibi pour s'exprimer.
- la façon de donner des ordres, et de se situer en position d'autorité, d'employer le "je", le "moi" et l'impératif, qui ne donne pas un semblant de justification, comme on le remarque chez les femmes hostiles, mais pose un "moi je" comme une évidence cherche à s'imposer.
- l'amusante façon de dire "mon intérêt" (avec une faute d'orthographe), expression qui n'a pas du tout le même arrière-plan que "je m'intéresse" ; faut-il comprendre : le fait de s'intéresser, ou de tirer avantage ? Bref, le style plus encore que le contenu, sonne trop comme un air de déjà entendu venant des tribus machistes, parmi les plus primitives. Et pas des tribus collaboratrices dont le style n'a pas encore atteint ce degré d'exemplarité.
Hélène Marquié, 16 décembre 02

Chère Aline,
Vous avez raison, le plus important c'est que le droit des femmes soit respecté, et j'ajouterais que les femmes aient le droit d'être respectées.
S'il est vrai qu'il existe un tissus de lois protégeant les femmes, enjoignant le patronat à appliquer une politique salariale égale pour hommes et femmes etc.. , vous remarquez vous-même qu'il serait important que ces droits soient respectés, appliqués.
Il semble que le chemin soit encore long pour que lois et réalité se rejoignent...pour que lois et mentalités s'accordent. Ainsi, l'époque dans laquelle nous vivons produit des images, tant d’images, qui à leur tour forgent l'époque dans laquelle nous vivons, forgent les mentalités.
Peut-être que si nous cessions de voir sur tous les murs et les écrans du monde des femmes qui sont les servantes de leur famille, des femmes qui devant faire la lessive mais trop idiotes pour y parvenir se font expliquer par un homme le fonctionnement de leur machine, des femmes dont le corps sert de faire-valoir à la vente d'une voiture, des femmes qui pour séduire un homme n'ont de choix que celui de recevoir des leçons de séduction déshabillées, peut-être qu'alors le patronat réalisera que les femmes ont un réel potentiel de travail, nos compagnons réaliseront que nous avons un réel potentiel de partage (d'amour, de tâches, de sexe, de ...) et de séduction, peut-être que l'électorat réalisera que certaines femmes. comme certains hommes ont un réel potentiel pour la conduite de l'Etat, peut-être que mes enfants (que je n'ai pas encore) auront la chance de découvrir le sexe comme un vrai sublime plaisir à deux et non comme un acte dans lequel l'homme est demandeur-voyeur et la femme un objet asservi Notre combat est bien le même...
Quant à l'art, souvenez-vous que vous n'êtes pas une pie... tout ce qui brille n'est pas or...
Deborah Rosenblum 16 décembre 2002

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LA MEUTE, une bande de démagogues ?
C’est ce qu’on nous a écrit, et voici ce que nous avons répondu.
1. courriel intitulé « petite remarque concernant votre action » envoyé à La Meute par une Française de 21 ans, étudiante dans une école de commerce, et en stage dans un pays d’Amérique latine (22 juin 2002).

« Je ne voudrais en aucun cas dénigrer votre action qui a certainement un rôle à jouer au sein de la société française, même si, personnellement, je trouve que vous donnez une image beaucoup trop négative à notre société qui, loin de dénigrer les femmes en toutes circonstances, a au moins le mérite de leur donner une chance de réussir ce qui est loin d'être le cas dans le monde entier !! (et j'en suis une preuve vivante, ainsi que les 60% de filles qui composent les bancs des écoles d'études supérieures francaises !! )
Je fais actuellement un stage d'étude de 6 mois dans un pays d’Amérique latine et j'aimerais honnêtement vous conseiller de visualiser les publicités d’ici avant de parler de dévalorisation de la femme dans les médias francais. Vous pourrez voir ce que signifie réellement être rabaissée à l'état d'objet sexuel et de tentation, vous pourrez également voir quand et comment une femme est réellement mise à nu et dévalorisée par la gent masculine.
Je pense que le combat féministe a sa place dans une société comme la nôtre, car certaines femmes n'ont pas ma chance, ne peuvent pas toujours accéder à des études supérieures et sont parfois soumises au bon vouloir de leurs époux, mais je pense aussi que votre discours trop démagogue et généraliste n'apporte rien de nouveau et rien de positif á l'image de la femme dans notre société actuelle
.

2. Nos réponses

Hélène Marquié, 42 ans
Je trouverais intéressant de reparler de cette lettre dans quelques années, quand cette demoiselle sera mariée. Classiquement, les personnes qui tiennent ce genre de discours ne rencontrent que des hommes sexistes. Avec l'expérience, il est fort possible que la réflexion lui vienne, qui remplace les lieux communs et les stéréotypes.
Toutefois, le cas me paraît très intéressant, car tellement classique.
Si elle prend la peine d’écrire (d’Amérique latine qui plus est), il est évident que le thème l'intéresse, et que quelque chose la dérange fortement dans notre action. Je suppose qu'elle ne prend pas cette peine pour critiquer les gens qui luttent contre la pollution canine. La question est donc : pourquoi cette énergie à dénigrer nos actions ? Si vraiment elle pense qu'elles n'ont pas lieu d'être et qu'elles sont inutiles, pourquoi s'en préoccuper ? Quels intérêts défend-elle, qui ne sont apparemment pas les siens ? Si nos discours et nos actions la dérangent, il faut en conclure : 1) qu'elles ont un impact et donc sont efficaces (ouf ! merci mademoiselle) 2) que cette personne n'est peut-être pas si à l'aise que ça avec le système, et tient à se (et nous) persuader que tout va bien dans le meilleur des mondes.
Conclusion : nous dérangeons en prouvant que ce n'est pas le cas, et en obligeant à voir et à entendre ce que certain-e-s voudraient ignorer. Ce qui, évidemment, oblige à se remettre en question, à regarder de plus près les discriminations qu'on accepte, à voir ses propres collaborations. Pour certaines femmes, cette remise en question est totalement insupportable. Je crois qu'elles ne nous le pardonneront jamais. Sauf si un jour, elles ont vraiment besoin de nous. Je crois donc qu'il est inutile de donner à cette personne des arguments prouvant que la domination masculine est une réalité, vécue dans le monde entier, sous des formes différentes. Elle le sait parfaitement, et c'est bien cette connaissance qui la rend si hostile.
Je remarque cependant que le sexisme au féminin est plus inventif que le sexisme au masculin : les hommes nous renvoient systématiquement au sort des femmes afghanes, dont nous devrions nous occuper (mais qu'attendent-ils pour le faire, si ce problème leur tient tant à coeur ? ). Cette jeune femme est plus originale : elle nous renvoie au sort des femmes d’Amérique latine (la même remarque reste valable : mais qu'attend-elle pour agir, si ce problème lui tient tant à coeur ? elle peut être assurée de notre soutien).
Grâce à elle (merci, Mademoiselle !), il me vient une idée. Faire l'étude comparative des lettres-types de macho version homme, avec celle des lettres de macho-collaborette. L'évidente similitude des arguments et de leur construction, pourrait mettre aisément en évidence le soubassement idéologique sexiste, et l'imprégnation des discours sexistes et antiféministes préétablis.
Finalement, cette jeune femme nous démontre elle-même la réalité de la domination masculine ; de ses 3 visages, oppression, exploitation et aliénation ; elle illustre parfaitement le dernier.

Anneli Duchatel, 24 ans

Il faudrait peut-être lui rappeler qu'il y a en France des séries de viols collectifs dont l’une des causes est l'image de la femme comme objet sexuel dans les publicités, lui rappeler qu'à travail égal, salaire inégal, lui rappeler les violences conjugales...
Quant au côté "démagogique" de notre combat, qu'elle vienne manifester avec nous, elle verra que nos idées sont loin d'être partagées par tous!

Marie-Noëlle Bas, 48 ans
D'abord, nous ne sommes pas en Amérique latine et nous avons bien assez à faire avec notre société à nous...
Discours trop démagogue et généraliste ? Elle s'appuie sur quoi pour dire ça ? Elle se contredit : « une société qui loin de dénigrer les femmes a au moins le mérite de leur donner une chance de réussir... » ; pourquoi « au moins » ? et c'est quoi, la réussite pour elle ? Et puis, le travail pédagogique effectué par les associations féministes n'est probablement pas pour les 60 % de filles cultivées quoique ...

Perline, 47 ans
Chère mademoiselle,
Savez-vous ce qu'était la société du temps de votre maman ?
Quelles publicités passaient, quelle vie avaient les femmes de cette époque ?
Savez-vous que c'est la lutte qui montre les choses ?
A l'époque tout cela n'était pas scandaleux.
Mais ce que certains ne voyaient pas comme scandaleux, certains-es ont montré que ces choses façonnaient les esprits et les actes.
Vous avez raison de souligner que d'autres pays, d'autres lieux, d'autres cultures en sont encore à ce que nous vivions ily a 30 ans ou plus.
Chez nous, du fait de cette prise de conscience, le sexisme, que la publicité véhicule de manière agressive, est devenu très légèrement plus suggestif.
Est-ce pour cela que nous devons l'accepter ?
Est-ce parce que l'immense majorité de la population n'a pas accès à l'hygiène, à l'eau potable et à l'éducation que vous êtes ravie de boire une eau polluée et une éducation qui exclut certains enfants en fonction de leur classe sociale par exemple ?
Pensez-vous qu'il faille se contenter de ce qu'on a parce qu'il existe une situation pire ailleurs ?
Je pense qu'il faut tirer les exigences vers le haut et balayer d'abord devant notre porte.
J'aimerais que vous précisiez en quoi consiste selon vous "la démagogie" de notre discours.
La démagogie est une "théorie propre à flatter les passions et les préjugés populaires" (Larousse).
Il me semble difficile de nous en faire grief.
Il me semble, au contraire, que c'est vendre la vitesse, la réussite, le bonheur avec une femme objectisée qui "flatte les passions et les préjugés populaires".
Vous êtes libre de penser que considérer que la femme a le rôle d'un être humain comme tous les autres, dont le corps n'a pas plus d'intérêt dans la réussite de notre société que tout critère exclusif, physique et en général homogénéisant n'a "rien de positif".
C'est exactement cela que nous combattons : l'image de la femme telle qu’elle est fantasmée, objectisée et non pas vécue.
Par ailleurs, vous tirez argument de l'accès des filles à l'école dans notre pays pour attaquer notre prétendue exagération.
Vous semblez savoir que le taux de scolarisation des filles dans l'enseignement supérieur est plus élevé que celui des garçons [ voir http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/hsfrp23.pdf] ?
Mais avez-vous remarqué que 10 ans après la sortie de l'école, pour ceux qui ont du travail, il y a entre 17% (brevet) et 30% de différence (diplôme d’enseignement supérieur) entre les salaires des hommes et des femmes ?
Savez-vous comment vous travaillerez si vous avez des enfants ? (85% des personnes qui travaillent moins de 15 heures par semaine sont des femmes [http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/hsfrp73.pdf]) La situation s'aggrave ; en 1997, le temps partiel concernait environ un tiers des femmes contre à peine 5 % des hommes [http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES337G.pdf]) !
En effet, en 2001, 49,5 % des femmes vivant en couple et n'ayant aucun enfant travaillent à temps complet, 17 % à temps partiel et 6,6 % sont au chômage.
Et 16,5 % des femmes ayant 3 enfants ou plus dont un de moins de 3 ans travaillent à temps complet, 15,5 % à temps partiel et 5 % sont au chômage. [http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/hsfrp72.pdf]
S'il vous intéressait de voir la véritable situation dans la vie des femmes, qu'elles aient fait des études ou pas, vous pourriez vous référer au dossier complet de l'Insee (http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/femmes_et_hommes.htm) à ce sujet.
Comme vous pouvez le constater [http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/femmes_et_hommes.htm], le gouvernement ne pense pas que l'égalité ait besoin d'un traitement spécifique.
Vous souhaitant une longue et belle vie, faite de votre réussite selon vos propres critères, sans influence d'image de la femme véhiculée par autrui, en particulier la publicité, ne vienne heurter vos espoirs,
veuillez agréer...

Françoise, 36 ans
Le mécanisme de base de la domination est de faire en sorte que les dominé/es la considèrent comme "normale" et légitime.
Si les femmes font des études supérieures, le rapport hommes/femmes s'inverse bizarrement au moment du passage en 3e cycle universitaire, c’est-à-dire au moment d'accéder à des études qui débouchent sur des postes à responsabilité.
Dans tous les milieux, les phénomènes de "plafond de verre" sont constatés, ce qui signifie que nos vies sont toujours pensées, conçues et organisées majoritairement par et pour des hommes.
La mise en avant des pires excès pour "excuser" les moindres est une technique vieille comme le monde (assez proche de la stratégie dite de l'amorçage "ah vous ne pouvez pas me prêter votre téléphone portable ? Bon alors est-ce que je peux vous emprunter 1f ?") mais qui ne prend
plus avec nous.
Cela ne nous empêche pas d'être évidemment conscientes des atrocités et de les combattre aussi, mais ce sont deux combats différents. Il nous semble que, si nous faisons (un peu) confiance à nos responsables politiques pour dénoncer les pires violences faites aux femmes à l'étranger, nous constatons une cécité effroyable concernant ce qui se passe chez nous. Qui sait par exemple que 80% des victimes de crimes passionnels en France, dans notre beau pays des libertés, sont des femmes tuées par un homme qui, en général n'accepte pas la rupture, c'est-à-dire le libre choix de l'autre, et considèrent donc leur femme comme leur objet ?

Adeline Challet, 27 ans
Cette personne ne comprend pas notre action et elle a une vision du féminisme relativement fermée. Tout se passe comme si seules les situations de violence extrême et presque revendiquée, admises par toutes et tous, justifiaient une action féministe.
Mes réponses.
1. La meute n'a pas un discours généraliste, au contraire, elle a une action de décryptage de la pub.
2. Un discours démagogique serait moins nuancé que le nôtre et de toutes façons soulever des questions n'a rien de démagogue.
3. Il n'y a pas d'échelle de la douleur ou du machisme justifiant ou non une action contre ce fait de société.
4. Le fait que des civilisations soient plus violentes, plus sexistes à l'égard des femmes ne doit pas délégitimer l'engagement d'autres femmes, ou d'autres hommes d'ailleurs, en d'autres lieux.
5. S'engager contre la publicité sexiste ne rend pas aveugle aux souffrances nées du sexisme dans d'autres sphères de la société.
6. Peut-être faut-il, quand on en a l’occasion, militer en Amérique latine ?

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Refus de signer le Manifeste "NON à la pub sexiste !"

Yves Michaud, professeur de philosophie à Paris 1
" Je ne signe pas car je pense que l'on risque de s'engager sur la voie du politiquement correct. Autant je suis ferme sur les atteintes aux droits, autant il faut garder cet autre droit - celui de fantasmer.
En tant qu'homme, je refuse d'être harcelé mais si on me transforme fantasmatiquement en objet, qu'importe et cela peut même être agréable. "
21 octobre 2000

Christian Crèseveur, scénariste, région parisienne
" Je ne souhaite pas m'associer à votre lutte, pour plusieurs raisons.
Je vous accorde qu'il y a parfois des représentations de l'être humain qui ne sont pas correctes, sinon dignes d'être médiatisées. Je pense plus particulièrement aux pubs d'Oliviero Toscani pour Benetton.
Pourtant, elles ont paradoxalement le mérite de mettre violemment certains débats sur la place publique (à commencer par la peine de mort).
Pour ce qui est des pubs que vous évoquez, elles ne me choquent pas en elles-mêmes. C'est plutôt, derrière elles, la cible à laquelle elles se destinent, les groupes sociaux qu'elles reflètent dans leurs comportements, qui me navrent. Ainsi le message de la pub Audi est parfaitement consternant, mais il traduit une réalité concrète : les signes de richesses, le pouvoir et le succès, restent de puissants outils de séduction. Cette pub est un stigmate. Elle n'est pas le problème.
J'imagine que le jour où le rapport amoureux ne trouvera plus son ferment dans les contes de fées et le concept de "noble lignage", où il y aura des "hommes charmants" et plus des "princes charmants", on aura peut-être fait un progrès de société.
Pour finir, je n'oublie pas que toute oeuvre en dit plus long sur celui qui la regarde que sur celui qui la produit. Il est certain que personne ne voit la perversion et le sexisme au même endroit, et en raison de ce simple constat je n'envisage pas un seul instant d'avoir à pousser le législateur à encadrer davantage. Plus encore je crains les dérives auxquelles ce genre de mobilisations aboutissent: au nom des mêmes constats, l'initiative des "Citizens for community Values" a conduit à l'inculpation de Dennis Barrie, directeur du Centre d'Art Contemporain de Cincinnati, pour "encouragement à l'obscénité" parce qu'il exposait l'uvre de Robert Mapplethorpe; au nom des mêmes constats les ligues conservatrices poursuivent en France les photographes qui mettent sur la croix une femme nue à la place du Christ... "
26 octobre 2000

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