Adia (affiches, mai 03)

Avez-vous vu la publicité qui est affichée un peu partout en ce moment pour ADIA INTERIM :
Trois affiches différentes sont proposées, avec sous une photo, le début d'une phrase écrit en gros caractères et la suite en tout petit...
"Cet homme est un OBSÉDÉ....... du travail, etc...",
ou
"Cette femme est BONNE........à son travail, etc...",
ou
"Ce jeune est un DROGUÉ............du travail, etc..."

et qui représente un homme avec des yeux exorbités, une jolie jeune femme en jeans, et un jeune homme avec des cernes.........

ADIA, en gros, délivre le message "Ne vous laissez pas tromper par les apparences, nous, nous ne nous arrêtons pas à ça"......
Mon compagnon a été tellement scandalisé qu'il est rentré dans l'agence d'intérim ADIA à Grenoble pour rencontrer la responsable, qui lui a dit : "et alors ? Maintenant il faut choquer les gens pour qu'ils s'intéressent à nous. N'avez-vous pas lu la suite du slogan........".....du travail" ?

Bref, il y a encore du travail à faire.....!!!!
Corinne, Grenoble, 21 mai 03

PS: Le problème va au-delà d'un certain sexisme, mais se rapporte plutôt à la dictature de l'apparence.
A la vue de ces affiches je conclus que :
-Tout homme ayant la cinquantaine, avec un peu de ventre et un visage pas très harmonieux est un " OBSÉDÉ "
-Toute jeune femme dans un jean moulant, mettant en valeur sa féminité est "BONNE"
-Tout jeune mal coiffé ayant les yeux dans le vague est un "DROGUÉ"

Le monde se limiterait-il à la violence, au sexe et à la drogue ?
C'est ce que ces images veulent nous faire croire...
Laurent ( Le compagnon scandalisé ! )


ÉCRIVEZ !
siège social :

Adia, 7, rue Louis Guerin
69603 Villeurbanne Cedex
http://www.adia.fr
courriel : mickael.amar@adia.fr

Monsieur,
Je suis profondément scandalisée par votre actuelle campagne publicitaire.
Comment osez-vous mépriser autant les femmes ?
Sur l'affiche où l'on voit une femme, ce qu'on lit d'abord, ce qui saute aux yeux et 9 fois sur 10 on ne lira que ça, le reste étant trop petit (par exemple si on est en voiture) est : "cette femme est bonne" :
Mise en parallèle des deux autres commentaires ("cet homme est un obsédé", "ce jeune est un drogué"), il n'y a aucune ambiguïté sur le sens de cette phrase: "cette femme est bonne à baiser". Je pense que nous sommes d'accord, c'était bien le but recherché ... Ne dites pas le contraire. Vous n'avez pas l'air de vous rendre compte du degré de vulgarité, de non-respect, de connotation terriblement dégradante que cette expression (que je vois écrite pour la première fois) englobe, et qui n'a rien à voir avec le fait de qualifier une personne de drogué ou d'obsédé.
Certes, vous dites que finalement vous ne pensez pas cela de la femme sur la photo (encore faut-il lire les lignes écrites en-dessous en petits caractères, pour le savoir) mais votre message sous-entend clairement que c'est ce à quoi vous avez d'abord pensé ... honte à vous ... Comment peut-on oser écrire cela ?
Le plus grave : vous légitimez ainsi le fait qu'on peut dire d'une femme qu'elle "est bonne", car ce que vous signifiez c'est que on ne peut le dire de celle-ci mais que pour d'autres pourquoi pas, de même qu'il y a vraiment des jeunes drogués et des hommes obsédés. L'idée que votre message fait passer, c'est : l'erreur n'est pas d'avoir dit "cette femme est bonne" mais de l'avoir dit pour cette jeune femme qui finalement s'est avérée être autrement que juste "bonne".
Contrairement aux termes "obsédé" et "drogué" qui peuvent être vraiment des réalités d'une personne, le terme "elle est bonne" est un jugement porté sur une femme, indépendamment d'elle : il est le reflet de l'esprit non-respectueux de l'homme qui la regarde, non une caractéristique de la femme. Elle peut être attirante pour cet homme, mais le fait d'être attirante n'est pas du tout quelque chose de péjoratif car le désir entre homme et une femme est quelque chose de naturel, par contre le jugement "elle est bonne" est on ne peut plus dépréciatif, insultant et sexiste.
Enfin alors que les deux autres personnes ont des apparences un peu exagées volontairement, pour être en rapport avec le slogan, la femme, elle, n'a rien de remarquable, elle est simplement jeune et habillée en jean : il suffit donc d'être une femme jeune en jean (une des tenues les plus classiques aujourd'hui) pour faire naître dans la tête des gens qu'on doit être "bonne" ?

Je trouve absolument désolant que votre société diffuse de telles idées qui contribuent à promouvoir une image aussi dégradante des femmes. Les femmes ont été et sont encore trop souvent victimes de telles attitudes, attitudes que notre époque tente par ailleurs de supprimer afin d'atteindre un monde plus juste où chaque être humain serait respecté sans aucune discrimination (raciale, sexuelle, ...). Ainsi, alors que des volontés travaillent pour faire avancer les choses dans ce sens, vous, vous préférez faire faire un grand pas en arrière à notre société…

Ne comptez-vous pas recruter de femmes ? Ou alors quelles femmes ... Car il faudrait être plus qu'idiote pour être séduite par votre publicité. Par ailleurs, même parmi les hommes, je me demande quel genre vous cherchez à attirer car cette publicité a également écoeuré les hommes de mon entourage.

C’est pourquoi je vous demande de cesser au plus vite votre campagne.

Carole Ledoux, 21 mai 2003

réponse
Madame,
Nous accusons réception de votre message, je l'ai transmis à notre Service Marketing Communication initiateur de notre campagne qui vous répondra.
Nous ne pensons en aucun cas mépriser les femmes ou encore les différents "personnages" de cette campagne, bien au contraire, ils vous en diront plus dans leur réponse.
Salutations
Mickael Amar Chef de Projet Internet Adia http://www.adia.fr

Monsieur,
Merci pour votre réponse mais ...
... même si cela n'était pas votre intention, je me permets de vous répéter que c'est clairement ce qui ressort de votre publicité. Mon entourage l'a perçu exactement de la même façon sans que nous nous soyons concertés. Cela m'étonnerait fort que vous ne receviez pas d'autres protestations. Ce qui compte ce n'est pas votre intention initiale ou comment, vous, vous percevez votre publicité, mais c'est comment votre publicité est perçue et comprise par le public.

Cela ne sert à rien de nier une erreur, il vaut mieux tenter de la rattraper au plus vite en stoppant cette campagne scandaleuse et révoltante.
Carole Ledoux

Réponse de Frédéric Girard, Directeur du Développement

Mademoiselle,

J'ai bien reçu votre mail et je comprends que vous puissiez être choquée sur la forme car telle était notre intention.

Non, nous ne méprisons pas les femmes, bien au contraire. Déjà en 2002, nous avions pris position contre le harcèlement sexuel en entreprise dont les femmes sont les principales victimes ( vous trouverez le film joint ). Adia est particulièrement engagée dans la lutte contre toutes les exclusions : intégration des personnes handicapées, lutte contre les discriminations raciales, insertion des publics en difficulté, lutte contre l'illettrisme mais également parité, égalité et mixité.
Nos actions en faveur de la mixité et de l'égalité ont d'ailleurs retenu l'attention de Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et l'égalité professionnelle qui est venue nous rencontrer à deux reprises et saluer lapertinence de nos actions.

Mon sentiment est que nous sommes d'accord sur le fond, mais pas sur la forme.
Notre choix est d'exprimer des clichés qui ne l'ont parfois jamais été auparavant, pour les combattre et les désamorcer. Tous ces clichés sont des jugements portés sur des gens indépendamment d'eux. Prendre conscience du côté ridicule, outrageant, méchant, honteux de ces jugements est notre façon d'éradiquer ces positions. Nous avons la conviction que les cacher, ne pas en parler est plus dangereux.
Nous luttons pour les mêmes choses de deux façons différentes bien que nous cultivons agitations et actions de fond.

Je reste à votre disposition pour toutes informations complémentaires.

Cordialement,


Monsieur,

Je vous remercie pour votre réponse et vous félicite pour les actions que vous menez en faveur de la mixité et de l'égalité.

Concernant cette action que constitue votre dernière campagne publicitaire, je reste absolument convaincue que vous n'avez pas fait passer le même type de message, de respect et d'égalité. Pour une grande majorité de la population, ce n'est pas ceci qui a été retenu, bien au contraire, pour les raisons suivantes :

1 - je pense que vous êtes d'accord sur le fait que pour avoir une chance de comprendre le second degré de votre campagne ("Prendre conscience du côté ridicule, outrageant, méchant, honteux de ces jugements"), il fallait avoir lu le message en entier, chose qui s'avérait impossible dans bien des cas. Pour les personnes qui ont vu cette affiche depuis leur voiture, cela était complètement irréalisable et même dans le cas d'un piéton, il fallait être vraiment tout près (pas sur le trottoir d'en face !) pour pouvoir lire les caractères minuscules et, de plus, prendre la peine de s'arrêter pour lire les quatre lignes qui sont censées expliquer la première aussi choquante et dégradante. Voyez-vous souvent les gens immobiles devant une affiche publicitaire pour comprendre ce qu'elle veut dire ? Je ne fais appel ici qu'à du bon sens.
A la vue de ces affiches, comme l'a analysé un jeune homme sur le site de La Meute (association contre les publicités sexistes), pour beaucoup de gens, le message de votre publicité s'est donc réduit à :
- Tout homme ayant la cinquantaine, avec un peu de ventre et un visage pas très harmonieux est un " OBSÉDÉ "
- Toute jeune femme dans un jean moulant, mettant en valeur sa féminité est "BONNE"
- Tout jeune mal coiffé ayant les yeux dans le vague est un "DROGUÉ"

Il fallait donc pour apprécier l'impact de votre publicité, envisager le cas, le plus courant, où les personnes ne liraient que les phrases en gros caractères.

2 - pour ce qui est des personnes qui ont pu lire l'ensemble du texte de votre publicité, les cinq arguments que je vous ai présentés dans mon premier courrier restent valables. Je me permets de vous les rappeler :
Mise en parallèle des deux autres commentaires ("cet homme est un obsédé", "ce jeune est un drogué"), il n'y a aucune ambiguïté sur le sens de cette phrase: "cette femme est bonne à baiser". Je pense que nous sommes d'accord, c'était bien le but rechercher ... Ne dîtes pas le contraire. Vous n'avez pas l'air de vous rendre compte du degré de vulgarité, de non-respect, de connotation terriblement dégradante que cette expression (que je vois écrite pour la première fois) englobe, et qui n'a rien à voir avec le fait de qualifier une personne de drogué ou d'obsédé.
Certes, vous dites que finalement vous ne pensez pas cela de la femme sur la photo (encore faut-il lire les lignes écrites en-dessous en petits caractères, pour le savoir) mais votre message sous-entend clairement que c'est ce à quoi vous avez d'abord pensé ... (voir le détail dans votre texte publicitaire). Comment peut-on oser écrire cela ?
Le plus grave : vous légitimez ainsi le fait qu'on peut dire d'une femme qu'elle "est bonne": en effet ce que vous signifiez c'est que on ne peut le dire de la femme sur la photo mais que pour d'autres pourquoi pas, de même qu'il y a vraiment des jeunes drogués et des hommes obsédés. L'idée que votre message fait passer, c'est : l'erreur n'est pas d'avoir dit "cette femme est bonne" mais de l'avoir dit pour cette jeune femme qui finalement s'est avérée être autrement que juste "bonne".
Contrairement aux termes "obsédé" et "drogué" qui peuvent être vraiment des réalités d'une personne, le terme "elle est bonne" est dans tous les cas un jugement gratuit porté sur une femme, indépendamment d'elle : il est le reflet de l'esprit non-respectueux de l'homme qui la regarde, non une caractéristique de la femme. Elle peut être attirante pour cet homme, mais le fait d'être attirante n'est pas du tout quelque chose de péjoratif car le désir entre homme et une femme est quelque chose de naturel, par contre le jugement "elle est bonne" est on ne peut plus dépréciatif, insultant et sexiste.
Enfin alors que les deux autres personnes ont des apparences un peu exagées volontairement, pour être en rapport avec le slogan, la femme, elle, n'a rien de remarquable, elle est simplement jeune et habillée en jean : il suffit donc d'être une femme jeune en jean (une des tenues les plus classiques aujourd'hui) pour faire naître dans la tête des gens qu'on doit être "bonne" ?

3 - il reste toujours très délicat de jouer avec le second degré dans une publicité car ce qui saute aux yeux du public c'est le premier degré, c'est l'"accroche publicitaire" (message, image) et c'est ce qui est retenu dans la plupart des cas (les publicitaires sont les premiers à le savoir ! ).
De plus, tous les individus ne sont pas réceptifs au second degré. Le problème est que vous faîtes comme si vous vous adressiez uniquement à des personnes adultes, conscientes des choses et capables de prendre du recul. Malheureusement (et je ne dis cela avec aucun mépris, simplement c'est une réalité dont il faut tenir compte), tous les individus ne correspondent pas à ce profil psychologique et en particulier les personnes qui adhèrent justement si facilement aux préjugés. Il y a bien sûr également les enfants qui n'ont pas la maturité pour comprendre ce second niveau de message et qui construisent leurs références à partir du monde qui les entoure.

Enfin, je me demande si votre but était aussi noble que vous semblez le dire dans la mesure où "votre intention était de choquer" (je vous cite), moyen publicitaire des plus classiques pour attirer les gens sur un produit et ce que confirme la responsable de l'agence d'intérim ADIA à Grenoble qui a répondu à une réaction révoltée d'un homme à la vue de ces affiches par : "et alors ? Maintenant il faut choquer les gens pour qu'ils s'intéressent à nous...".

Ceci dit je veux bien quand même croire à votre bonne intention initiale. Peut-être que vous avez voulu faire une pierre deux coups : faire de la publicité pour votre société et combattre des préjugés. En ce qui concerne ce deuxième point, je reste persuadée que globalement vous avez au contraire contribué à renforcer les idées que vous vouliez combattre. Peut-être que la forme n'était pas la meilleure, ne serait-ce que le choix des tailles des caractères et la manière de contrebalancer le slogan très violent que vous aviez choisi ?

Je vous encourage de tout coeur à poursuivre vos campagnes sur le thème du combat des préjugés mais attention, il me semble qu'il faut le faire très habilement car le risque est grand de réaliser le contraire du but recherché.

Cordialement.

Carole Ledoux, 28 mai 03

************************
Cette campagne joue sur tous les clichés. Une affiche présente de face (plan américain) une jeune femme et le texte dit 'elle est bonne' c'est écrit en gros, et en dessous un autre texte explique en quoi elle est employable. Une autre affiche présente un homme la cinquantaine, le texte en gros indique 'cet homme est obsédé', puis même topo....J'ai vu les deux affiches côte à côte (vers Beaubourg) c'était choquant. Il y en a une troisième où l'on voit un jeune homme et le texte dit 'il est drogué'....Bref, tous les clichés les plus sexistes sur tout le monde.
Anne Collet

Cette femme est bonne (jeune pulpeuse), ce jeune est drogué (maladif mal coiffé) et cet homme est obsédé (sexagénaire raffarinesque) ... dans tous les cas en tout petit très en-dessous: "de travail" ...intérimaire... Ca exploite vraiment tous les plus bas sentiments des gens au nom de l'humour nième degré...
Claudine, 27 mai 2003

Je vous écris parce que je suis scandalisé par la campagne de pub de la société d’intérim ADIA. Celle-ci nous présente trois affiches différentes. Sur la première, un homme ventripotent, l’œil vitreux, de profil. Le commentaire dit en caractères énormes : " Cet homme est un obsédé ". Puis en tout petit (comme une clause désavantageuse dans un contrat d’assurance), on lit " du travail ". Sur la deuxième, un jeune homme ébouriffé a droit à la légende : " Cet homme se drogue (énorme) … au travail (minuscule). " Enfin, la dernière, celle qui m’a vraiment choqué : " Cette femme est bonne … au travail ". Voilà. Non content d’exploiter les intérimaires en nous faisant croire qu’ils l’ont choisi, les boîtes d’intérim, ces négriers du temps modernes, se permettent d’afficher leur mépris des femmes. Et si vous me trouvez excessif, réfléchissez un peu à la personne qui est à l’origine de cette campagne de pub. Pensez-vous une seule seconde qu’il pourrait s’agir d’une femme ?
Philippe Sanchez, 3 juin 2003