Beka, matelas (affiches, Belgique, mars 03)
On voit une jeune femme nue allongée sur un matelas avec trois nourissons nus alignés comme des petits cochons qui tètent leur mère.... qui est, bien évidemment, une truie pour ceux qui connaissent le féminin de "cochon" ou une cochonne pour les autres
Luce Hautier, 26 mars 2003

Slogan : Nuits félines, nuits câlines.
Description : On voit une femme complètement nue, qui n'a pas l'air en forme du tout, avec trois nourrissons complètement nus aussi, alignés le long de son ventre, comme des chiots en train de téter.
Analyse : Tout d'abord, il n'est pas du tout nécessaire de montrer une femme nue ainsi (ni les enfants d'ailleurs) pour vanter les mérites de matelas. Ensuite, cette femme ressemble vraiment à un animal en train de nourrir ses jeunes, ce qui pourrait renforcer l'idée que la femme n'est qu'une machine, une bête qui sert uniquement à produire des enfants. Le slogan me laisse également songeuse... que signifie-t-il exactement? On passerait donc sur ces matelas soit des nuits bestiales ("nuits félines"), soit des "nuits câlines" (en abreuvant sa progéniture par exemple)?

Sur le site, la fameuse image se retrouve partout et il y a également moyen de les contacter par e-mail pour faire des remarques :
http://www.beka.be/
Christel Devue, Liège, 28 mars 03

Affiche: Une femme nue est couchée sur le côté. Trois nourrissons nus également font mine de vouloir téter des mamelles.
Produit: matelas (?) Je proteste contre cette campagne d'affiches dans la rue, en mars 2003, qui jouent sur la ressemblance entre la jeune femme et un animal femelle allaitant ses petits. Ni la femme, ni les nourrissons ne sont des animaux. D'autre part, la nudité est ici une fois de plus utilisée à outrance puisque nous sommes des êtres qui se vêtissent la majorité du temps. Je dénonce aussi la relation très éloignée entre cette publicité et le produit. Cette image est reprise dans le but de choquer.
Je m'élève contre cette provocation sexiste et dégradante pour l'humanité, contre cette exhibition de l'intime, contre ce viol de notre sensibilité. Je demande de veiller à l'image non sexiste et non dégradante des prochaines campagnes.
Aussi je m'insurge contre l'inefficacité du jury d'éthique publicitaire contre le sexisme et l'agressivité des campagnes publicitaires. Par ce mail, j'exprime mon mécontentement concernant le caractère sexiste et dégradant de la campagne publicitaire de Beka diffusée en mars-avril 2003. Dorénavant et dans le futur, je décide de ne plus acheter les produits de cette marque et j'invite quiconque dans mon entourage et dans mes connaissances à en faire de même.
Laurence Ngosso pour Malvira, Bruxelles, Belgique, 8 avril 2003

19 avril 2003 Lettre à Beka

Chère Madame, cher Monsieur,

Cliente de votre magasin depuis 35 ans, je m'adresse à vous pour décrier la campagne publicitaire de BEKA.
L'adresse de l'importateur (ou du fabricant) n'étant pas disponibles sur internet et dans le bottin, je vous prierai de faire passer le message. Je ne puis contacter tous les distributeurs et je vous fais confiance.

En fait, cela fait un moment que beaucoup de personnes réagisssent à l'affiche de BEKA (femme nue allaitant, à l'image de la louve romaine), certaines amusées par la similitude, d'autres choquées par l'étalage de l'intimité humaine, assimilée à l'instinct animal. Je fais partie de cette deuxième catégorie, estimant que la publicité va trop loin lorsqu'elle ne respecte pas les personnes et les présente dans un contexte qui n'est pa sensé être public.

La nudité est interdite aux citoyens dans les lieux publics, pourquoi est-elle autorisée dans l'affichage? Première question à laquelle le JEP ne peut répondre. Si cette image-ci n'est pas "méchante" ou "insultante" pour les femmes, elle est perverse par l'assimilation d'un comportement humain (privé! aucune femme ne ferait cela en rue de cette manière!) à celui de l'animal. Loin de moi de décrier l'instinct animal que je respecte, mais les humains ont un code de savoir-vivre, adapté dans chaque culture au respect mutuel et à la protection de la vie privée, qui permet d'aller au delà de l'instinct de reproduction et d'établir un monde relationnel bien plus riche et nuancé. Je n'ose donc imaginer une affiche reproduisant les relations sexuelles entre humains, à l'image du taureau par exemple, que ce soit sur un matelas ou non! Si l'on entre dans la logique publicitaire, il n'y a plus de limites. De quel droit imposer à tous ce genre d'humour "esthétisant"?

J'espère que la firme repensera sa campagne pour un produit qui n'est même pas visible (autre infraction à l'objectif publicitaire) et que vous manifesterez aussi aux fournisseurs votre réprobation.

Sincèrement vôtre.

M.N. Vroonen-Vaes
pour la Meute Belge


réponse du JEP

Bruxelles, le 23 avril 2003.

Madame,

Nous avons bien reçu votre e-mail du 19 avril dernier concernant la publicité pour BEKA, laquelle a été examinée par le Jury.

L’annonceur a fait valoir que cette campagne est perçue de façon positive par la majorité de la cible, c.à.d. les femmes qui y voient une jolie image d’une femme sûre d’elle-même qui se repose en harmonie avec sa jeune famille. Il a souligné que la tendresse, l’intimité et la chaleur du nid sont profondément enracinées dans le positionnement de la marque Beka qui comporte 3 petits chats dans son logo. Il y a un renvoi conscient au rôle de la mère mais qu’il s’agisse d’une femme allaitant n’est qu’une illusion suggérée qui est d’ailleurs pertinente pour le produit : l’amour maternel comme symbole de matelas doux.

Compte tenu du media utilisé lequel atteint un public beaucoup plus large que la cible, le Jury a estimé que la représentation de cette femme allaitant met surtout en avant des caractéristiques animales, c.à.d. l’instinct animal (d’allaitement) et ne comporte pas le message d’amour maternel humain, de la tendresse humaine, de la chaleur du nid. Il a également estimé que cette représentation si elle n’est pas sexiste, peut être cependant perçue comme une atteinte à la dignité féminine étant donné que l’allaitement est un acte intime, affectueux et de tendresse qui n’est pas associable avec l’illustration en question. Etant donné qu’une telle représentation peut être perçue comme choquante et peut provoquer des réactions négatives, le Jury a recommandé à l’annonceur d’arrêter la diffusion de cette publicité sur base de l’art. 4, al 1 du code CCI (dignité humaine).

L’annonceur a fait savoir que la campagne d’affichage était terminée, mais qu’il lancera une campagne dans des magazines féminins et d’intérieur étant donné qu’il estime que cette campagne présente l’aspect doux, attentif et affectueux de la marque et qu’il n’est pas question d’atteinte à la dignité féminine. Il a fait référence aux nombreuses réactions favorables et résultats positifs de sondages d’opinion.

Vu les plaintes reçues, le Jury a confirmé sa recommandation d’arrêt pour la campagne d’affichage et a demandé à l’annonceur de lui confirmer qu’elle a été arrêtée définitivement et de lui soumettre la campagne dans d’autres media pour examen préalable. L’arrêt définitif de la campagne a été confirmé et une annonce presse a été soumise.

Celle-ci montre la même image mais de plus près et la femme est représentée jusqu’en dessous des genoux. Texte : « Comme une respiration profonde et régulière dans la nuit. Comme la chaleur qui lentement vous envahit sous les draps froissés. Comme un état de bien-être qu’on ne veut plus quitter. Les systèmes de couchage Beka : quatre gammes différentes teintées d’esthétisme et de savoir-faire, conçues pour bien vivre vos nuits. Toute l’info et la liste complète des revendeurs Beka sur notre site. www.beka.be. »

Compte tenu du fait que l’annonce sera diffusée dans des magazines féminins et d’intérieur pour atteindre la cible dans un contexte plus sélectif, le Jury a constaté que dans ce contexte, l’illustration peut être perçue d’une autre manière (l’image de la femme et des enfants est visible de plus près et le cadrage est différent). Il a dès lors estimé que de cette manière, l’aspect « animalité » de l’attitude est moins mis en évidence et que l’image est plus intime et plus chaleureuse. Par ailleurs, le logo avec les 3 petits chats (plus visible) et le texte éclairent le message. Même si l’aspect « animalité » est atténué, le Jury a cependant estimé que cette illustration délicate qui fait référence à l’intimité de la femme, comporte encore le risque de choquer une partie du public et peut provoquer des réactions négatives.
Il a dès lors décidé d’émettre un avis de réserve conformément à l’art. 4 de son règlement.

L'intervention du Jury ne concerne que la publicité et non les produits et/ou services offerts. Il ne peut constituer en aucun cas une garantie de sa part, l'appréciation des Tribunaux restant souveraine en cas de litige. Il ne peut en être fait état publiquement.

En vous remerciant pour votre réaction, nous vous prions de croire, Madame , à l'assurance de nos sentiments distingués.

J.-Cl. DASTOT, Directeur,
Secrétaire du Jury.

Annexe :Art. 4, al.1 du code CCI
Art. 4 du règlement.
Code International de la Chambre de Commerce Internationale.

- la responsabilité sociale (art. 4) : la publicité ne peut
. approuver aucune forme de discrimination (race, origine, religion, sexe ou âge) ni porter atteinte à la dignité humaine,

Règlement JEP

Art. 4:

Toutefois, le Jury étant un organisme d’autodiscipline, n’entend pas devenir un organisme d’autocensure cherchant à faire prévaloir une idéologie ou un goût particulier : dès lors qu’un message publicitaire ne soulève que des réserves en matière de décence et de bon goût il s’abstiendra de recommander sa suppression, mais se bornera à communiquer un avis de réserve aux annonceurs, aux agences de publicité et aux media en leur laissant la responsabilité de la suite à y donner.