Galeries Lafayette (Affiches, oct. 2001)

Adeline Challet, Paris, 12 octobre 2001

Une analyse de la publicité: "Enfin les hommes ont les mêmes droits que les femmes!".

"Enfin les hommes ont les mêmes droits que les femmes"…C'est le slogan des Galeries Lafayette pour présenter et valoriser leur magasin dédié aux hommes. Sur l'affiche, David Douillet prend la pose, un cœur rouge épinglé sur le front. Il a l'air ravi alors que le texte annonce en lettres rouges : "Enfin les hommes ont les mêmes droits que les femmes". Mais de quels droits s'agit-il au juste? Est-ce le droit de partager avec Laetitia Casta le privilège de l'exclusivité Galeries Lafayette? Ou bien celui de représenter une image de marque qui n'hésite pas à mettre en scène des femmes objectivées dans des vitrines hier et des femmes objets du "bonheur des dames" aujourd'hui? Ou s'agit-il plutôt de ce droit que certains hommes, parce qu'ils couvrent leurs compagnes de cadeaux, revendiquent sur elles?

Martelée à l'infini sur la façade du magasin "hommes" des dites Galeries, la nouvelle de ce nouveau droit interpelle tant on s'interroge instinctivement sur sa nature. On en sait bien peu de choses en réalité, sauf qu'il constitue pour l'enseigne un avancement de la condition masculine. On s'interroge alors et on rit jaune. Ce que ce slogan sous-tend, c'est que jusque dans un passé très proche mais heureusement révolu ("Enfin"), les hommes souffraient d'une inégalité de droit et de fait vis à vis des femmes. Cette inégalité, les Galeries Lafayette l'auraient abolie en autorisant les hommes à consommer mais aussi à se muer en potentiels objets de consommation. Cela constitue-t-il réellement une évolution, un progrès vers l'égalité des sexes? Ce droit dont les femmes jouissent il est vrai, je le désignerais volontiers plutôt comme un leurre. En effet, la position encore fragile des femmes face à leurs droits et notamment face à leur image, incite à considérer l'être objet du désir de l'autre comme l'objet d'une image imposée, souvent dégradante. Sont-elles plus libres parce qu'elles prennent la pose? Sont-elles plus respectées, plus dignes?

Tout se passe comme si hommes et femmes, femmes et hommes, en France mais aussi partout ailleurs - les hommes et les femmes sont des génériques- devenaient égaux (pourquoi pas égales d'ailleurs) du fait de leur droit commun au shopping et à l'objectivation. Or dans les faits comme dans le droit, hommes et femmes, femmes et hommes ne sont pas des égaux. Le déficit, s'il a lieu, n'est pas à rechercher du côté des hommes. Il est et demeure, malgré la lutte des mouvements féministes de libération et de promotion des droits des femmes, malgré aussi la loi parfois et le bon sens d'autres fois, malgré enfin les évolutions que nul-le ne souhaite nier, l'apanage des femmes. Alors proclamer qu'enfin les hommes auraient les mêmes droits que les femmes m'apparaît au mieux comme une boutade et au pire comme une insulte à l'égard des femmes qui souffrent de l'image qu'une société inégalitaire et sexiste leur impose d'elles-mêmes. C'est également une erreur historique puisque jamais les femmes n'ont été en position de dicter aux hommes leurs lois, ni d'orienter leurs comportements, leurs projets, leurs jugements ou leur estime de soi à leur avantage. Au contraire.

Si les hommes d'aujourd'hui obtenaient les mêmes droits que les femmes, le constat serait celui d'un recul du droit, de la liberté et de l'image de soi auquel on ne saurait attribuer l'adverbe "enfin". "Hélas" serait plus approprié...

Galeries Lafayette
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