Imagine R (affiche, métro parisien, oct.02)
pour vanter la place Gaumont et Pathé à 5¤ : "soyez gentil avec votre petite amie : faites la pleurer". En fait c'est un personnage de BD (elle ressemble à Olive, la femme de Popeye), "il" l'a amenée au cinéma et elle pleure devant le film.
Pour une fois qu'on demande aux hommes d'être gentils avec leur petite amie, c'est pour penser à les faire pleurer. Dommage !
Cecile SARAFIS, 2 octobre 2002

Réponse à la lettre de protestation de Cecile SARAFIS qui avait joint des données chiffrées sur les violences contre les femmes
8 novembre 2002
Madame,
Nous faisons suite à votre e-mail dans lequel vous nous faites part de votre réaction concernant notre annonce pour la carte imagine'r représentant une jeune femme pleurant dans une salle de cinéma avec en accroche "soyez gentil avec votre petite amie, faites-la pleurer".
Les chiffres que vous nous communiquez à propos des violences subies par les jeunes femmes sont effectivement préoccupants et méritent, ainsi que vos commentaires, toute notre attention.
Vous comprendrez aisément qu'il n'a jamais été dans notre intention de banaliser ces actes de violence ni même d'être ambiguë.
L'accroche "soyez gentil avec votre petite amie, faites-la pleurer" est indissociable du visuel qui montre une jeune femme dans une salle de cinéma. De toute évidence, elle regarde un film qui la fait pleurer.
L'accroche invite donc les jeunes gens à emmener leurs amies au cinéma, pas à les violenter. Il nous est tous arriver de pleurer au cinéma... et de remercier la personne qui nous y avait invité ! L'humour de cette annonce réside dans le décalage qu'il peut y avoir à être gentil et à faire pleurer. Le visuel est très doux, absolument pas violent dans ses couleurs et son graphisme. Il ne nous a donc pas semblé que ce visuel pouvait pousser des jeunes à la violence.
Nous comprenons cependant tout à fait votre réaction et vous informons que cette annonce n'est actuellement plus diffusée.
Cordialement,
La Direction de la Communication Transilien

Réponse :

Madame,
Merci de votre réponse.
Lorsqu'on est informée sur le thème de la violence faite aux femmes, des relations sexistes et machistes que subissent les jeunes filles (en très forte recrudescence), qui doivent, pour avoir une relation amoureuse, s'échapper de leur cité, qui doivent surveiller leur tenue vestimentaire pour ne pas être insultées, qui doivent se marier vierges à un homme qu'elles n'ont pas toujours choisi. Je vous passe les viols collectifs qui font la une des journaux, la pornographie qui met actuellement en scène du hard, des femmes qui disent non et "penseraient" oui, des filles violentées, violées en toute impunité, j'arrête là ma liste d'horreurs... bref, lorsqu'on sait tout cela, on ne peut que s'insurger contre une publicité, qui en toute innocence (?), met les deux pieds dans un système contre lequel beaucoup d’entre nous sont en lutte, et depuis des années.
Même si cette publicité-là, isolée, ne pousse pas à la violence, elle est dans la continuité de ce système machiste et stéréotypé :
- Les femmes battues le cherchent,
- D'ailleurs c'est par amour que les hommes battent leur femme et les font pleurer, -
- C'est même par passion qu'ils tuent (2 femmes par semaines en France) leur femme ou leur ex-femme
- Seules les femmes pleurent, les hommes qui pleurent, eux sont des homosexuels
- "Qui aime bien châtie bien" etc.
Je vous passe le nombre de messages transportés de cet acabit, qui en eux seuls sont d'une rare bêtise et d'une grande violence, niant toute domination de l'homme sur la femme Compte tenu de l'impact de la publicité visuelle, qui s'adresse à tout le monde, je me demande comment on n'imagine pas l'effet ou le contre-effet qu'elle puisse avoir ? Qu'est-ce que les consommateurs lisent au 1er, 2ème, 3ème degré ? Depuis que la publicité existe, elle utilise la femme comme appât de la consommation, même lorsque l'objet à consommer n'a rien à voir avec le corps de la femme. Pourquoi ? Pourquoi ne pas changer de registre et créer une publicité inventive, non discriminatoire, et pourquoi pas subversive plutôt que de rester en arrière et d’utiliser des thèmes ringards comme "la femme nue", "la femme faible", "la femme objet", "la femme n'existant que dans l'ombre d'un homme" etc....
Si je vous ai écrit, c'est parce que je suis épuisée que l'on m'inflige une image de moi-même, (c'est bien le but : la référence au consommateur ?) qui ne me convient pas, qui m'affaiblit, qui me prend pour une imbécile un jour, une pute un autre, une bobonne le surlendemain, une rivale des autres femmes les autres jours. Bref, qui ne m'élève pas et n'aide pas mes concitoyennes à s'élever.
Merci de m'avoir lue.
Cécile Sarafis, 18 décembre 2002