Lolita Lempicka (presse, mars 01)

Lolita Lempicka (parfum) presse
L’écrivaine Annie Leclerc a écrit dans Libération du 10 mars 2001 à propos d’une publicité qu’elle avait vue dans le magazine Elle, ce passage extrait de son Journal de la semaine, alors qu’elle sort d’une séance de travail en prison :
" La couverture tournée, je tombe sur une pub muette, deux photos terribles d’une femme souillée, défaite ; morte ? Pas la place ici de décrire. Partout sur le corps rompu aux yeux clos on dirait les traces, sang, sueur, blessures d’une horrible agonie. Plus désirable ainsi, la petite robe de mousseline fleurie ? En prison, il faisait jour, ici dehors, sur beau papier glacé, il s’est mis à faire franchement nuit. Qu’est-ce qui arrive au désir quand ça tourne à la prédation, au viol, au meurtre ? On dirait qu’il n’y a que mes amis du dedans pour envisager sérieusement la question. "

Travail collectif de la meute parisienne, 2 juin 2001

1. Réactions par oral :
C’est une mariée violée
Ophélie noyée comme peinte par un préraphaélite
Elle semble souffrir, elle a la main sur le front, les yeux fermés
Elle se tient le sein, on voit la pointe du sein entre ses doigts
Elle a été abandonnée dans la forêt
Elle est offerte
Elle est pendue à l’arbre, sa position n’est pas naturelle, elle est attachée à l’arbre par une étoffe et du lierre
C’est Danaé recevant la pluie de Zeus, il y a des éclats brillants sur son corps
Ses vêtements sont déchirés, elle se cache le sein, elle est mal à l’aise, immobilisée après des violences, impression douloureuse
La lumière à droite a la forme d’un pénis
Elle est en extase, shootée, enivrée de plaisir par le parfum, évanouie ; elle défaille, elle délire
Elle a le corps d’une poupée Barbie, avec de longues jambes minces
Elle est fatiguée, épuisée après son mariage (robe de mariée, couronne de fleurs sur la tête)
Elle représente un fantasme de viol dans la forêt par un automobiliste, un rêve d’être une proie
Ce parfum est associé au désir d’être violée
Elle glisse sur l’arbre, ses vêtements vaporeux s’accrochent à l’arbre
Le nom LOLITA, associé à une adolescente violée, à une histoire perverse
Le mot LEMPICKA associé à la peintre des années trente aux tableaux froids et lesbiens
Elle est couverte de sperme, gluante, sa robe est déchirée sur le ventre
L’odeur du parfum l’a assommée et elle a été violée
C’est une invitation à des hommes : offrez ce parfum à une femme et faites d’elle ce que vous voulez.
Le flacon représenté à droite a la forme d’une pomme avec une queue : la femme a croqué la pomme ; c’est un cauchemar, elle est victime, elle est punie d’avoir péché, elle est déchue, tombée du paradis, elle est dans une extase douloureuse, ambiguïté douleur/extase. C’est le jardin du Paradis, avec des feuilles mortes, atmosphère apocalyptique
Elle est écrasée comme une chose fragile contre l’arbre droit et solide
C’est l’image de la soumission au désir de l’homme, d’un désir non partagé.

2. En quoi cette pub est-elle sexiste ? Réactions écrites
Isabelle : "Cauchemar apocalyptique appuyé sur la Genèse. Souffrance d'une femme violée après avoir été enivrée et droguée par le parfum. Eve a été punie pour avoir péché ; "croquer la pomme", c'est une image très violente."
Caroline : "Cette image montre qu'une femme est physiquement fragile. Qu'elle est aussi vulnérable mentalement parce qu'on peut la faire souffrir par la simple application d'un produit."
Marie-France : "Violence ; femme violée, passive, soumise au parfum donc au désir non partagé avec l'homme".
Claude : "Idée que respirer ce parfum provoquera plaisir et souffrance et rendra la fille soumise, disponible....."
Lucas : "C'est un appel ou un consentement au viol dans une présentation qui se veut esthétique ou édénique".
Monique :"Cette pub est sexiste parce que la femme est à demi-déshabillée et souffre de la tête. Cela suppose qu'elle a été déshabillée et que cela lui a fait mal".
Florence : "Parce qu'elle montre une image qui esthétise la violence sexuelle. Cette femme est évanouie, abandonnée dans un bois après un viol collectif."
Carole : "Cette image exprime de la souffrance (expression de la femme) et de la violence (vêtements en lambeaux). Mise en valeur de la fragilité de la femme de part ses vêtements en voile (des plus délicats) par opposition à l'arbre robuste sur lequel elle repose (symbole masculin)".
Marie-Ange : "C'est une image d'une jeune fille au corps dénudé par ses vêtements déchirés. Elle est offerte aux regards après avoir subi des violences sexuelles. Tout çà "grâce" au parfum contenu dans cette pomme. Est-ce vraiment comme cela qu'une jeune fille envisage sa sexualité ? Victime de violences".
Arlette : "Cette pub est sexiste car elle représente un fantasme de viol ; fille offerte mais pas complètement déshabillée : "proposée" entourée de fleurs et de parfum.
Pour un homme : c'est bien de violer
Pour une fille : c'est bien d'être offerte et violée".
Marie : "La femme est à moitié nue abandonnée dans la forêt évanouie".
Alice "Romantisme vénéneux : passivité dans un paysage sauvage et magnifique par l'effet du parfum (drogue ?)"