l'Oréal - Nutrilift (affiches, Bruxelles, avril 03)
Une femme entièrement nue, assise en position foetale mais avec les seins visibles. slogan "Nutrilift - antidessèchement et fermeté en 2 semaines"
(petit plaisir personnel, une affiche "marre de la pub" est juste collée sur ses seins sur l'affiche en bas de chez moi... Et c'est pas moi qui l'y ai mise ;-) ).
Marie-Hélène Lahaye, 3 avril 2003

écrivez à l'Oréal Belgique:

M. Jean-Mary VIVIER
Directeur-Général
L'Oréal Belgilux
Allée de la Recherche, 63
1070 BRUXELLES

et au Jury d'éthique publicitaire (il faut écrire, ca rentre dans les statistiques: les plaintes sont en croissance constante ces dernières années !)
JEP
Avenue Louise 120 Bte 5
B-1050 BRUXELLES/Belgique
Tel : 02/502.70.70
Fax : 02/502.77.33
info@jepbelgium.be

Voici ma lettre :
Monsieur,
Par la présente, je dépose une plainte contre la société L’Oréal en raison des affiches pour son produit « Nutrilift » présentes dans les rues de Bruxelles depuis ce mardi. Cette affiche est illustrée par une femme nue, ce qui est à la fois indécent et sexiste donc discriminatoire.

Cette affiche est indécente parce que contraire aux normes communément admises dans notre société. En effet, n’importe quelle femme se mettant nue sur le bord de la route et lançant des sourires et regards charmeurs aux passants et automobilistes se verrait très rapidement arrêtée par les forces de l’ordre pour « outrage public aux bonnes mœurs » et/ou pour incitation à la débauche. Il est donc tout à fait légitime de considérer qu’une affiche présentant une telle femme à tous les coins de rues, et donc à la vue de toutes et tous y compris à la vue de personnes qui n’y consentent pas, est contraire aux normes communément admises par notre société.

Ces normes sont d’ailleurs transcrites dans le code pénal en différents articles que je laisse à votre méditation.

Art. 383. Quiconque aura exposé (…) des images contraires aux bonnes mœurs, sera condamné à un emprisonnement de huit jours à six mois et à une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.

Art. 385. Quiconque aura publiquement outragé les mœurs par des actions qui blessent la pudeur, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.
Si l'outrage a été commis en présence d'un mineur âgé de moins de seize ans accomplis, la peine sera d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de cent francs à mille francs.

Art. 387. Sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de mille francs à cinq mille francs, quiconque vend ou distribue à des mineurs ou expose sur la voie publique ou le long de celle-ci des images, figures ou objets indécents de nature à troubler leur imagination.

Art. 380bis. Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, quiconque, dans un lieu public aura par paroles, gestes ou signes provoqué une personne à la débauche. La peine sera élevée au double si le délit a été commis envers un mineur.


Cette affiche est sexiste parce qu’elle présente uniquement une femme nue et pas d’homme nu. L’actuelle campagne publicitaire de cette société est déclinée sous forme de deux affiches : l’affiche incriminée et une seconde affiche présentant une femme de dos l’épaule nue couverte de savon. Une même campagne publicitaire montrant une femme nue sur une affiche et un homme nu sur l’autre affiche aurait eu exactement le même impact budgétaire pour l’annonceur, mais aurait permis de considérer les hommes et les femmes de façon égale, tant dans la représentation d’homme/femme objet illustrant l’affiche, que dans le plaisir que les passant-es et automobilistes peuvent éprouver durant leurs déplacements quotidiens en regardant ces affiches. Le fait de délibérément choisir de montrer des femmes dont une entièrement nue illustre une volonté manifeste de l’annonceur de créer une discrimination fondée sur le sexe. De plus, la société l’Oréal s’est déjà vue reprocher à plusieurs reprises, par des consommateurs-trices, cette politique qui consiste à diffuser régulièrement des affiches présentant des femmes nues ou largement dévêtues et n’ignore donc pas qu’une partie de la population perçoit une discrimination manifeste dans ses publicités.

En ce qui concerne la discrimination fondées sur le sexe, je vous renvoie à la récente loi du 25 février 2003, et plus particulièrement à son article 2 :

Art. 2. § 1er. Il y a discrimination directe si une différence de traitement qui manque de justification objective et raisonnable est directement fondée sur le sexe (…).
§ 2. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre a en tant que tel un résultat dommageable pour des personnes auxquelles s'applique un des motifs de discrimination visés au § 1er, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne repose sur une justification objective et raisonnable.
(…)
§ 4. Toute discrimination directe ou indirecte est interdite, lorsqu'elle porte sur :
(…)
- la diffusion, la publication ou l'exposition en public d'un texte, d'un avis, d'un signe ou de tout autre support comportant une discrimination; (…)

J’estime que le fait de diffuser de la publicité pour un produit de beauté ne constitue pas « une justification objective et raisonnable » autorisant une discrimination fondée sur le sexe en matière de non respect des normes communément admises dans notre société.

Enfin, j’invite le Jury d’Éthique publicitaire à examiner ma plainte sur base du code de pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de Commerce Internationale qui sont les suivants : la publicité doit être loyale, décente, véridique, conforme à la législation et témoigner du sens de la responsabilité sociale.

J’autorise le Jury d’Éthique publicitaire à transmettre ma plainte à la société incriminée.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguée.

Marie-Hélène Lahaye