Opium (Affiche)

Nous avons ici dans nos magazines la fameuse statue de marbre blanc étendue sur du satin noir. Le corps est si désincarné, si froid et distant, sans odeur, sans poils, sans couleur, bref sans vie ! C’est sa pose qui nous gêne ; nous en avons toujours contre les femmes qui posent les jambes ouvertes, disponibles sexuellement. Mais qui veut approcher ce corps insensible? Qui veut cet objet mort ? Ce parfum au nom de drogue offre une vision d'enfer glacé qui fait peur.

Signalée par Jeanne Maranda, Outremont, Québec, Canada, 30 avril 2001

L'affiche d'Opium (la femme blanche et nue sur fond noir) a été exposée fin avril 01, à côté d'un collège à Aix-en-Provence. Dès le lendemain, elle était constellée d'inscriptions, des injures grossières et obscènes : "suceuse", "va te raser", "chienne". L'affiche a été retirée au bout d'une petite semaine.

Signalée par une signataire d’Aix-en-Provence, mai 01

Action trottoir, Paris, 5 mai 2001
Eric 26 ans formateur : on voit qu'elle prend son pied, elle a fumé, c'est clair. Vu le nom du parfum, ça confirme, elle est défoncée.
Isabelle 23 ans étudiante dans la vente : c'est trop provoquant pour du parfum, ça rime à rien, ça fait faux.
Path, 56 ans, éducatrice de jeunes enfants : Je suis mal à l'aise car elle se donne tant de mal pour être féminine alors qu'elle fait si fausse.
Thierry 58 ans chef de direction de fabrication : C'est trop sexuel. Elle est trop blanche, elle semble fausse, morte.
Mireille 59 ans retraitée de l'enseignement : Elle est froide, en marbre. Elle parait frigide. Ca montre une beauté inaccessible, d'ailleurs c'est trop cher. Je trouve cela malsain.
Anne Lise 26 ans fonctionnaire de mairie : C'est froid, c'est une statue, une sculpture avec en plus un côté sado maso.

Notes de Dolores Fernandes

Une femme rousse allongée sur le dos, les jambes écartées, les yeux fermés. La pâleur de son corps est macabre, les couleurs de son maquillage rappellent celles des bleus d'une femme battue. Il s'agit d'un cadavre. La mort a pu être causée par une overdose (c’est, à mon avis, ce que les publicitaires veulent faire croire) ou fait suite à un viol. Elle est entourée de velours foncé, comme un objet dans un écrin.

Anneli Duchatel, 13 juillet 01

"C'est verticalement que cette pub est la plus absurde et agressive pour les femmes qui sont debout à côté, à l’arrêt de l’autobus, et qui rentrent du travail fatiguées. Cette femme donne à voir une jouissance intense, peut-être due à la drogue, comme le laisse penser le nom du parfum, ou plutôt d’ordre sexuel. Il s'agit apparemment d'une jouissance solitaire, mais on peut imaginer que cette femme jouit pour le regard de l'autre. Et nous, si nous ne sommes pas voyeuristes, cet exhibitionnisme nous dérange, nous gêne. La femme se pince le sein en renversant la tête en arrière et en ouvrant la bouche. Tout cela induit un effet de modèle en imposant des normes, ce qui est grave dans le domaine de la sexualité. J'imagine les conséquences : des jeunes femmes vont penser que pour jouir, il faut avoir des talons aiguilles, obsession et cliché de la pornographie. Et parmi celles qui ont dépassé l'âge de ce modèle, au corps blanc, sans un poil ni un bourrelet, combien vont penser : moi qui ne suis pas aussi jeune et belle, je n'ai pas droit à la jouissance. Pendant la première vague de cette campagne, j’ai reçu des confidences de femmes à qui, pendant l’amour, cette image s'était imposée, parasitant leur plaisir. Le traitement très esthétique de la photo ajoute au sentiment d’inaccessible. Utiliser quelque chose de beau et d'artistique pour vendre, c'est mettre l’art au service du commerce, c’est prostituer la beauté. Ma seule indulgence pour cette pub tient au fait que la mannequin, quand elle s'habille, porte des vêtements au moins de taille 42! "

interview de Florence Montreynaud dans Culture Pub Magazine, n°4, mai-juin 2001