SAGEM (téléphone portable)
dans Télérama n°2707 du 28 novembre 2001

Slogan : « Marie S. aime quand ça vibre »
Description : Une photo de femme blonde (longs cheveux bouclés) anonyme, car elle a les yeux barrés par un bandeau clair portant l’inscription: « Marie S. aime quand ça vibre »
Le texte au bas, sur l'épaule de « Marie », dit: « Mobiles SAGEM, objets de plaisir - pour vibrer, jouer, aimer, surfer (et aussi téléphoner) »
Analyse : D’emblée, ce bandeau sur les yeux nous projette dans les mondes interlopes du films X, amateur, de l’échangisme et de la prostitution, dans la clandestinité.
Le téléphone portable (ou la femme?) comme un objet de jouissance. Toute l’image suggère: « elles aiment ça », sous-entendu, les plaisirs interdits, la sodomie, les coups de fouet ou que sais-je encore... On s’imagine qu’on va pouvoir lui dire « salope » (etc.) en toute discrétion. A défaut d’être véritablement indispensable, voire simplement utile, le portable, lui, donne accès à ces « joies honteuses », qui se passent « par derrière ». La pose non plus ne doit rien au hasard: le visage est de face, la bouche entrouverte et proprement maquillée, tandis que le corps est de trois-quarts. Cela suggère qu’elle est quelque part, assise ou légèrement penchée, qu’il se passe quelque chose dans le bas de ses reins et qu’elle a tourné la tête, parce qu’elle n’arrive plus à rester droite (le plaisir vient déjà « bzzz »*). La bouche discrètement maquillée suggère que nous ne sommes pas dans une alcôve, ni dans un bordel, mais dans le monde « amateur », celui de tout le monde, à peu près n’importe où, dans la rue, au bureau, au café, dans les transports où « Marie S. » a reçu le signal de son vibreur-vibromasseur.
Le choix du prénom Marie, lui aussi, a dû être mûrement réfléchi, avec une connotation du genre « sainte vierge, mais salope dans l’âme »... Toutefois, ce n’est pas non plus « Marie », la copine que tout le monde a parmi ses connaissances, avec ses yeux pétillants et son rire franc. Non, c’est une Marie-Salope (ça colle avec son initiale). C’est la femme qui travaille, c’est la femme affranchie, mais qui au fond ne pense qu’à ÇA, la preuve, elle a son portable, hé!! Conclusion: ce dont elle a besoin, c’est quand même bien d’une bite, d’un vibromasseur, d’un vibreur quoi!
Ce qui est particulièrement exaspérant, c’est cette image de la sexualité volée, inaccessible et mal assumée où les grossièretés sont dites dans l’anonymat. Une image de lâcheté qui se marie avec le portable.
Signalée par Géraldine Lamblin, Saint-Louis (68), 30 nov. 01

Cette publicité a suscité un commentaire de Pierre Marcelle dans Libération (21 nov. 01) : "(…) un bandeau frappé de cette forte sentence : "Marie S. (Marie-Salope, sans doute) adore quand ça vibre." "Ça", c'est le portable de Marie, dont la fonction de godemiché est suggérée avec la délicatesse d'un soudard en bordée (…)"

Autres images de la même série (Le Monde, 23 nov.) : un visage d'homme, âge moyen, bandeau sur les yeux ; sur le bandeau, ces mots : "Richard G. devrait avoir honte d'en avoir un si petit." Encore l'obsession de la longueur du pénis ! Quel rapport avec un portable ?
(Le Monde, 24 nov.) visage et haut du buste décolleté d'une jeune femme à longs cheveux roux et bouclés; bandeau sur les yeux, avec ces mots : "Abigaël W. en change quand elle ne les aime plus." Cliché sexiste !

Autres phrases cités dans Stratégies, 18 déc. 01:
"Karina T. joue avec le sien plusieurs fois par jour"
"Emily D. préfère sans les mains."
"Jean-Philippe S. est devenu un véritabke obsédé textuel."

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Lettre d’Isabelle CABAT, Paris
mardi 4 décembre 2001
Monsieur,
Mais de quoi faites-vous la promotion : de sexe d'homme, de sexualité ou d'homme ? L'amalgame produit/sexe est facile et monnaie courante dans la publicité dite "moderne" et "contemporaine".
Votre représentation de la sexualité - le rapport taille/plaisir, les jeux sexuels, la vibration - est déplorable et si stéréotypée que cela en est caricatural.
Votre imagination ou celle de votre agence de publicité est limitée et c'est regrettable. Quant à votre humour, puisque c'est probablement l'argument que vous utiliseriez si me répondiez, il est d'une pauvreté sans équivoque.
Je ne saurais trop vous conseiller de vous limiter aux caractéristiques techniques de vos produits lors de vos prochaines campagnes publicitaires.
Veuillez recevoir, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.