XS (presse, 2002)

XS, parfum pour homme, exalte une virilité fondée sur la sexualité. XS, à l'envers, ça donne SX : ne manque plus qu'un "e" pour compléter l'idée générale que l'on comprend à la seule prononciation... Donc la virilité est glorifiée par le seul dieu phallus. Plus encore, elle l'est par l'injonction de prendre en compte les désirs de l'Autre : la publicité dit à l'homme "stop thinking". L'homme est assis sur un canapé avec des yeux de prédateur; il est prêt à bondir sur une femme dont on ne voit que les jambes dénudées et largement écartées : on aperçoit d'ailleurs l'homme en second plan et entre ses jambes.La vision stéréotypée des sexes est donc d'une rare violence : homme versus femme; personnalisé versus dépersonnalisée - un corps de femme sans tête -; actif versus passif - il prend seul l'initiative, elle la subit. On en conclut donc que l'homme est une bite sur pattes qui renonce à se servir de son cerveau : pas de sentiments, et donc pas d'empathie ; sa virilité ne s'exalte pas dans les sentiments amoureux qu'il peut susciter chez l'autre, mais dans l'emprise physique qu'il peut avoir sur l'autre et sur sa volonté : sa place d'homme est entre les cuisses d'une femme comme le suggère la disposition des deux mannequins.Quant à la femme : pas de visage, pas de parole - donc pas de cerveau du tout!!!-, juste un corps offert à l'autre sans que l'idée de son consentement ne soit énoncée. Voilà, ce que nous dit la pub : l'homme et la femme sont dépourvus d'intelligence humaine, qu'il refuse de s'en servir ou qu'elle soit supposée en être fondamentalement dépourvue. Leurs rôles respectifs et hiérarchisés ne le sont qu'en vertu d'un rapport de violence "sexuée", et non "sexuelle" puisque la sexualité de la femme n'a pas droit de cité. J'ignore pour qui cette publicité est la plus avilissante, toujours est-il qu'on touche au coeur de l'inégalité des conditions dont la seule source est la violence, quoiqu'en disent tous ceux qui tentent de justifier la hiérarchie des sexes en naturalisant des différences construites socialement . C'est un choix de société, il n'y a rien de naturel là-dedans...
Ces publicitaires sont des pervers sexuels en puissance et l'imprégnation qu'ils font subir aux esprits est des plus graves. Corrélation intéressante : c'est en parallèle de toutes ces publicités sexistes exaltant le viol que, précisément, les "viols collectifs" ont été unanimement débaptisés par les médias pour devenir des "tournantes" : le crime ne devient qu'un innocent jeu de garçons... On ne parle pas de la sexualité des filles.
Caecilia Scherer, 14 mars 2003