Un publireportage de la Fondation Yves Rocher, fév. 03
"Terre de Femmes
Des femmes oeuvrent pour un monde plus vert
Parce que sauver la planète, ça commence par une plante que l'on fait pousser, La Fondation Yves Rocher-Institut de France a choisi d'aider toutes les femmes qui font un geste pour la nature ... "

Après plus de 30 ans de féminisme, les femmes pensaient en avoir fini avec "La Femme". Yves Rocher décernera pourtant son prix à l'occasion de la "Journée de la Femme". Quelle est donc "La Femme" selon Yves Rocher ?
La femme valorisée par Yves Rocher correspond au stéréotype éternel de la vraie femme patriarcale.
Elle est liée à la nature, de façon plus affective que rationnelle ("naturellement") ; toutefois ; elle ne la comprend ni ne la maîtrise, comme les enfants, "les femmes font confiance à la nature".
Purement altruiste, elle est dévouée aux autres ("mener une action en faveur de la nature et des autres"), notamment aux enfants et aux malades ("créer des jardins à l'hôpital, aider à la construction d'un potager pour les enfants de Madagascar" ..."service à domicile de paniers de légumes bio pour les personnes âgées").
Elle "réconcilie l'homme avec la nature". On ne saurait mieux dire qu'elle est au service de l'homme, pour corriger ses erreurs, ceci bien sûr pour "le bien-être de tous". Toutefois, décerner un prix à une militante antinucléaire ne semble pas envisagé.
Cette femme elle "protège", "valorise", "conserve" mais n'a pas d'initiative sur le monde qui ne soit réparatrice. Il n'est pas question d'ingénieure cherchant des technologies (même bio) pour irriguer le désert ou dépolluer l'océan.
Ses actions sont "belles" (ni courageuses, ni audacieuses), ses projets sont "généreux", certes remarquables, mais "facilement imitables" ; ce sont des "gestes simples". La vraie femme ne saurait accomplir des actions trop compliquées.

Il s'agit d'une manoeuvre purement publicitaire, manifestant une idéologie clairement sexiste, qui s'adresse avec mépris à la fois aux écologistes et aux femmes. A qui fera-t-on croire que les initiatives valorisées ont une réelle influence sur la protection de la nature ?
A qui fera-t-on croire qu'il s'agit de mesures destinées à valoriser l'autonomie des femmes ?
Question subsidiaire à Monsieur Yves Rocher : quelle est la proportion de femmes parmi les chercheur-e-s, ingénieur-e-s, cadres et dirigeant-e-s de son entreprise ? Même question concernant les secrétaires, employé-e-s de maintenance, technicien-ne-s de surface, laborantin-e-s ?

"Vous menez une action, contactez-nous"
Ben, justement, je mène une action. Je vais "faire un geste simple, facilement imitable" : je vais râler.
Comme l'adresse est indiquée, c'est facile :
Fondation Yves Rocher - Institut de France
101 Quai du Président Roosevelt
92444 Issy-les-Moulineaux cedex
T. 01 41 08 58 19, fax 01 41 08 58 55
www.yves-rocher-fondation.org <http://www.yves-rocher-fondation.org>
contact@yves-rocher-fondation.org
Hélène Marquié, 17 fév. 02

Madame, Monsieur,
Je vous écris au sujet du publi-reportage paru dans "EKWO - Environnement, phénomènes et attitude", et du prix "Terre de Femmes"
"Vous menez une action, contactez-nous", écrivez-vous. Je mène une action militante féministe, et à ce titre, comme en tant qu'écologiste, je vais "faire un geste simple, facilement imitable" : je vais protester contre l'idéologie que véhiculez.

Après plus de 30 ans de féminisme, les femmes pensaient en avoir fini avec "La Femme". Yves Rocher décernera pourtant son prix à l'occasion de la "Journée de la Femme". Quelle est donc "La Femme" selon Yves Rocher ?
La femme valorisée par Yves Rocher correspond au stéréotype éternel de la vraie Femme patriarcale.
Elle est liée à la nature, de façon plus affective que rationnelle ("naturellement") ; toutefois ; elle ne la comprend ni ne la maîtrise, comme les enfants, "les femmes font confiance à la nature".
Purement altruiste, elle est dévouée aux autres ("mener une action en faveur de la nature et des autres"), notamment aux enfants et aux malades ("créer des jardins à l'hôpital, aider à la construction d'un potager pour les enfants de Madagascar" ..."service à domicile de paniers de légumes bio pour les personnes âgées").
Elle "réconcilie l'homme avec la nature". On ne saurait mieux dire qu'elle est au service de l'homme, pour corriger ses erreurs, ceci bien sûr pour "le bien-être de tous". Toutefois, décerner un prix à une militante antinucléaire ne semble pas envisagé.
Cette femme "protège", "valorise", "conserve" mais n'a pas d'initiative sur le monde qui ne soit réparatrice. Il n'est pas question d'ingénieure cherchant des technologies (même bio) pour irriguer le désert ou dépolluer l'océan.
Ses actions sont "belles" (ni courageuses, ni audacieuses), ses projets sont "généreux", certes remarquables, mais "facilement imitables" ; ce sont des "gestes simples". La vraie femme ne saurait accomplir des actions trop compliquées. Le "sauvetage écologique d’une mare", ou le "nettoyage d’un ruisseau", ainsi qu'il est précisé sur le site Internet, nous sont présentés comme les modèles d'actions féminines. Merci de nous faire rire.

Il s'agit d'une manoeuvre purement publicitaire, manifestant une idéologie clairement sexiste, qui s'adresse avec mépris à la fois aux écologistes et aux femmes. A qui fera-t-on croire que les initiatives valorisées ont une réelle influence sur la protection de la nature ?
A qui fera-t-on croire qu'il s'agit de mesures destinées à valoriser l'autonomie des femmes ?
Question subsidiaire à Monsieur Yves Rocher : quelle est la proportion de femmes parmi les chercheur-e-s, ingénieur-e-s, cadres et dirigeant-e-s de son entreprise ? Même question concernant les secrétaires, employé-e-s de maintenance, technicien-ne-s de surface, laborantin-e-s ?

Je n'ignore pas la force des stéréotypes et des préjugés dans l'inconscient collectif, mais je pense qu'il est toujours possible, en matière de sexisme comme de racisme, d'en prendre conscience. Je ne saurais trop espérer une telle prise de conscience de la part de votre entreprise.
Veuillez agréer, Madame, monsier, l'expression de mes sincères salutations.

Hélène Marquié