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Action n° 7
Galeries Lafayette

Page 2 sur 5 : 1ère manifestation (9 février 2002)

Tract de la manifestation

À l’appel de La Meute et du Collectif contre le publisexisme, avec le Collectif national des Droits des femmes, ainsi que ASFAD (ass. de solidarité avec les femmes algériennes démocrates), Collectif féministe contre le viol, CADAC (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception), « Femmes libres » (Radio libertaire) Mix-Cité et RAP (Résistance à l'agression publicitaire),

une manifestation a été organisée contre la publicité sexiste
des Galeries Lafayette pour les soldes,
avec l’image d’une femme ayant un œil au beurre noir et le col de chemise arraché.

le samedi 9 février 2002, à 16h, devant le magasin Galeries Lafayette,

LA VIOLENCE DES SOLDES

Sur l’affiche pour les soldes des Galeries Lafayette, Lætitia Casta sourit en brandissant un petit cœur. Ce sourire ne peut effacer les signes de violence qu’elle porte : œil entouré d’une grosse tache bleu foncé, col de chemise arraché aux deux tiers, cheveux ébouriffés, vêtements froissés, poignet déboutonné, lacet dénoué.
Les autres photos de la série due à Jean-Paul Goude utilisent la beauté ou la nudité de Laetitia Casta en illustrant d’autres clichés sexistes. L’affiche pour les soldes joue sur le thème de la violence : on veut nous faire croire que des clientes se sont arraché des marchandises à coups de poing. De même, un autre grand magasin, C & A, a choisi une publicité avec deux femmes se battant pour un vêtement. Quel mépris pour leurs clientes dans cette image de mégères, dans cette mise en scène de violences entre femmes !
Dans le métro, dans la rue, des milliers d’affiches banalisent ainsi des images de femmes agressées. Ces campagnes, qui nous sont imposées dans le paysage urbain, sont en elles-mêmes une violence.
La réalité : il y a en France au moins deux millions de femmes victimes d’un mari ou d’un compagnon violent ; combien de femmes aussi sont victimes de viols ou de violences commis par d’autres hommes ! Combien de filles brutalisées par des garçons à l’école ou dans la rue ! Pour toutes celles qui subissent des violences sexistes, pour toutes les personnes qui dénoncent celles-ci, un œil au beurre noir ou des vêtements déchirés ne sont pas un sujet de plaisanterie. Il est inadmissible de les utiliser comme argument commercial. L’humour ne peut pas servir de prétexte pour faire passer un message qui banalise la violence et qui renforce des clichés sexistes.
Le 24 avril 1999, beaucoup d’entre nous manifestaient devant les Galeries Lafayette, à Paris, qui exhibaient dans trois vitrines des mannequins vivantes en sous-vêtements.
Le 9 février 2002, nous viendrons en nombre manifester devant les Galeries Lafayette pour dire NON à la banalisation des images de violence, NON à la publicité sexiste, OUI à une loi antisexiste !
Nous demandons aux responsables des Galeries Lafayette de cesser leurs publicités sexistes.

Texte cosigné par Roselyne Bachelot (députée), Annie Ernaux (écrivaine), Geneviève Fraisse (philosophe et députée européenne), Benoîte Groult (écrivaine), Florence Montreynaud (écrivaine), Yvette Roudy (députée) et Odette Terrade (sénatrice)

Lettre de Jérôme Cukier, Paris, 7 fév. 02
Je dois vous dire que je ne partage pas toutes vos idées ou toutes vos prises de positions. Cependant, je vous remercie de votre action à l'encontre de la publicité sexiste. J'ai été particulièrement choqué par la publicité mettant en vedette Laetitia Casta, aussi, j'ai écrit plusieurs fois aux galeries Lafayette. Je ne trouvais pas que l'utilisation de Mlle Casta comme représentante de leurs clientes sur leurs affiches était un choix très heureux. 9 Françaises sur 10 sont mécontentes de leur corps - j'estime que les Galeries en portent une partie de la responsabilité. J'ai écrit de nouveau la première fois que les galeries ont utilisé l'image de Mlle Casta avec un oeil au beurre noir; elles sont à mon sens les premières à utiliser cette image dans la publicité, ce dont elles ne devraient pas se vanter. J'ai enfin écrit une troisième fois lors de la réutilisation de ces images pour vanter les soldes. Depuis le début de la campagne, je n'ai pas dépensé un centime aux Galeries et je compte ne plus jamais y mettre les pieds. Mais ceci n'est pas grand chose. Quand j'en parle autour de moi et je me fais assimiler à un extrémiste, or les images se sont jamais neutres. Je ne peux donc pas faire grand chose, c'est pour quoi je me réjouis de l'implication de votre mouvement, et je vous dis : à samedi 16 heures.

article de Charles de Saint Sauveur dans Le Parisien, 8 février 2002
Sexisme
Des femmes en colère
LES FÉMINISTES de la Meute, qui se battent depuis des années contre les publicités sexistes, se sont trouvé un nouveau gibier : les Galeries Lafayette. Le célèbre magasin du boulevard Haussmann vient de s'attirer leurs foudres en s'offrant une grande campagne de pub pour ses soldes d'hiver. Sur les affiches largement diffusées (métro, panneaux, revues), on découvre une Laetitia Casta bizarrement fagotée, et tout sourire malgré sa chemise arrachée, ses cheveux ébouriffés et un oeil au beurre noir. « Cette pub nous montre que les femmes sont prêtes à se battre pour s'arracher les meilleures affaires. Ce genre d'images, qui veut visiblement faire sourire, contribue à légitimer et banaliser la violence. Deux millions de femmes françaises victimes de violences conjugales ne trouveraient pas ça drôle du tout » s'indigne Florence Montreynaud, fondatrice des Chiennes de garde, aujourd'hui à la tête de la Meute. Histoire d'enfoncer le clou, le réseau international, qui compte de plus en plus d'adeptes en France, organisera une manifestation demain à 16 heures devant le grand magasin, dans leur collimateur depuis qu'il avait osé exposer des mannequins vivants dans ses vitrines en 1999.
Entre ménagère et pin-up Les Galeries, justement, s'étonnent : « Notre campagne (signée Jean-Paul Goude) vise à traiter sur un mode humoristique la frénésie des soldes. Ces images sont à prendre au second degré. » De fait, les féministes de la Meute savent bien qu'elles auront du mal à convaincre la population des méfaits de cette pub, nettement moins subversive que leurs précédentes cibles (Babette, la crème qu'on « fouette » et qui « passe à la casserole » ; les femmes-animaux déshabillées par La City ; la barre glacée Magnum dressée dans un string de demoiselle !). « Notre souci est pédagogique », reprend Florence Montreynaud, qui dénonce un « retour en force des pubs sexistes après une période d'accalmie ». « L'image que les publicitaires se font de la femme n'a pas changé : on a le choix entre la brave ménagère ou la pin-up réduite à une paire de seins. Le corps de la femme est utilisé pour vendre n'importe quoi. Le pire, c'est que ça marche ! », soupire-t-elle. Si parfois les combats sont gagnés (La City avait retiré ses affiches, idem pour les glaces Magnum&Mac183;), il lui reste beaucoup de batailles à mener, notamment sur Internet. Le 8 mars, pour la Journée internationale de la femme, elles diffuseront un autocollant barré de la mention : « La pub sexiste, moi, je n'achète pas ! »

Message d'un anglophone qui ne partage pas notre analyse, par e-mail, le 11/02/2002
I am emailing about one of your latest efforts to remove the ad with Laetitia Casta with a black eye. Because of your efforts to ban the ad, I have searched to find a copy of the ad, and I do not find it offensive at all. You have completly misinterpreted the ad and should not go forth with your efforts due to your ignorance in the matters at hand. You say it projects images of domestic abuse, which is far from the truth. Why would any store put up an ad of a woman beaten from domestic abuse? It does not make sense, and any similarities between the ad and it are pure coincidence.
I do not believe in violence, but the store is trying to turn a negative into a positive with a hint of humor.
I regret your narrow mind has kept you from seeing the potential of the ad.

Answer of Regan Kramer , for "La Meute" (The Pack)
Just because our opinion is different from yours does not make us "narrow-minded". Different experiences can create different opinions.
Has it crossed your (not necessarily narrow) mind that as women (and a few feminist men) we might have different ideas about domestic violence and appropriate subjects for humor than many men do ? In addition, knowing how much time and money goes into advertising campaigns, your idea about the violence being "coincidental" seems naive, at best.
In addition, the fact that our interpretation of the ad is different from yours doesn't mean that we have "misinterpreted" it. The ad (as with most images) can be viewed on various levels and from various points of view; ours is clearly different from yours. That does not, however, allow you to tell us that we "should not go forth with our efforts". Living in a democracy, where freedom of expression is a basic right, no one can tell us not to "go forth" with the peaceful, non-violent expression of our opinions, particularly when the goal of that expression is to reduce injustice and violence.

Des Nouvelles de La Meute - N° 30 - 12 février 2002 (Mail d'information aux signataires)
VIOLENCE SEXISTE AUX GALERIES LAFAYETTE !
Avec le concours de plusieurs associations, la meute parisienne a organisé le samedi 9 février à 16h une manifestation contre une publicité sexiste des Galeries Lafayette : une image de femme portant des signes de violence, notamment un œil au beurre noir.
La manifestation avait été présentée lors d’une conférence de presse le 7 février. Elle a été annoncée le 8 à France Inter (journal de 8h), ainsi que dans France-Soir, Libération, Le Parisien, et dans Le Monde du 9.
Une centaine de personnes, femmes et hommes, ont pris part à cette manifestation ; comme elle s’est déroulée à une heure de grande affluence, nous avons pu toucher directement des milliers de personnes : tracts, slogans, danses, chansons et théâtre de rue (plusieurs d’entre nous avaient un œil maquillé au beurre noir).
Des reportages ont été diffusés dans les journaux du soir de TF1, M6, ainsi que sur France Info. Il est prévu qu’une séquence soit diffusée sur Canal+ demain 13 février pendant le journal de 12h50.
Nous vous proposons de poursuivre cette action en écrivant à la responsable de communication des Galeries Lafayette. Voici une lettre dont vous pouvez vous inspirer :
« Madame,
La Meute, le Collectif contre le publisexisme, le Collectif national des Droits des femmes et d’autres associations ont organisé samedi 9 février devant votre magasin du boulevard Haussmann une manifestation de protestation contre la publicité que vous avez choisie pour vos soldes : la photo d’une femme, l’œil entouré d’une grosse tache violet foncé et portant d’autres signes de violence, notamment le col de son chemisier arraché. Alors qu’il y a en France deux millions de femmes victimes d’un mari ou d’un compagnon brutal, cette affiche banalise la violence contre les femmes. En outre, elle s’inscrit dans une série où figurent des images sexistes : en août dernier, celle d’une femme nue, de dos, assise sur un cube de glace ; depuis quelques jours, celle d’un homme gigantesque dominant une femme accroupie à ses pieds.
À l’occasion de cette manifestation, a été rendu public un texte sur votre publicité, intitulé « La violence des soldes » et signé par plusieurs personnalités, Roselyne Bachelot (députée), Benoîte Groult (écrivaine), Annie Ernaux (écrivaine), Geneviève Fraisse (philosophe et députée européenne), Florence Montreynaud (écrivaine), Yvette Roudy (députée) et Odette Terrade (sénatrice).
Je me joins à elles et à toutes les personnes qui ont manifesté samedi pour vous demander de cesser d’utiliser des publicités sexistes. »

Adresse courriel de la responsable de communication Alexandra Rocca-Simon : aroccasimon@galerieslafayette.com
Galeries Lafayette 40 boulevard Haussmann 75009 Paris
Vous pouvez aussi écrire au directeur d’un magasin Galeries Lafayette d’une autre ville.

Article dans Le Monde 11 fév. 02 (en ligne)